Partager:
"Je serai en paix quand ce projet sera passé": Handicapée depuis qu'elle a été renversée par un nonagénaire au volant d'une voiture, la joueuse de tennis Pauline Déroulède se bat sans relâche pour que des tests d'aptitude soient rendus obligatoires pour les seniors.
Elle ne rêve pas seulement des Jeux paralympiques en 2024 à Paris. Pauline Déroulède veut croire que les personnes âgées seront soumises obligatoirement à un contrôle de leurs capacités à conduire une voiture.
"Quand il y a un accident où l’aptitude est remise en cause, ça me rappelle combien c’est encore là", confie-t-elle à l'AFP.
En octobre 2018 à Paris, elle a été violemment percutée - ainsi que deux autres femmes - par le véhicule d'un homme de 92 ans ayant confondu la pédale de frein avec celle de l'accélérateur, rapporte Pauline Déroulède, qui a perdu sa jambe gauche dans l'accident.
Depuis, elle milite activement pour ce projet de loi et a lancé sa propre "campagne de sécurité routière" notamment via une série de quatre clips, financés par des partenaires privés et diffusés sur ses réseaux sociaux.
"Chaque clip met en avant une problématique d’aptitude. Et aussi la place d’un proche qui se retrouve impuissant pour faire arrêter quelqu'un de conduire, je reçois énormément de messages de gens? qui me disent: +je ne sais plus quoi faire+. On n'a pas besoin de montrer des trucs gore? mais d'incarner des victimes", dit la joueuse de 32 ans.
Le premier clip montrait un homme âgé prenant sa voiture face à sa femme désarmée. Pauline Déroulède et Cléo, une enfant handicapée de 10 ans, fauchée par une femme de 86 ans quand elle avait trois ans, figuraient aussi dans ce clip.
Son deuxième volet est davantage symbolique: un septuagénaire pousse un caddie dans un supermarché en percutant des produits et écrasant le doudou d'un enfant, sous le regard d'un employé, paraplégique.
Yann Grandguillaume, dans un fauteuil depuis un accident de voiture en 2019, joue le rôle de l'employé du supermarché.
"J’ai vu qu’en une fraction de seconde on peut passer de valide à handicapé, je trouve ça hyper important de faire ces tests. Même moi aujourd’hui. Alors une personne de 70, 80 ans... Je trouve ça hyper difficile d’avoir encore toutes ses capacités visuelles, intellectuelles quand on a 80 ou 90 ans", argue Yann Grandguillaume, qui intervient en entreprise pour sensibiliser au handicap.
- La question de l'autonomie -
"Dans mes interventions je mets en parallèle les personnes âgées qui conduisent parce qu’elles ne veulent pas perdre leur autonomie. J’ai eu mon accident à 29 ans et du jour au lendemain sans rien avoir demandé à personne, j’ai perdu mon autonomie", arconte-t-il. "Je l’ai retrouvée aujourd’hui, je sais que c’est hyper difficile mais le but est d’éviter qu’il y ait un drame avant d’avoir une prise de conscience".
Du côté de la prévention routière, on veut "éviter la stigmatisation par l'âge, par un seul mode de déplacement". "L'âge n'est pas la raison de la responsabilité d'un accident mortel. Et les seniors sont davantage victimes que responsables d'accidents de la route", insiste Anne Lavaud, déléguée générale de l'association Prévention routière.
"Il faut faire très attention: la mobilité est un facteur essentiel du vieillissement dans les meilleures conditions", poursuit-elle.
C'est le propos du septuagénaire qui a accepté de jouer dans le deuxième clip produit par sa fille. Atteint de la maladie de Parkinson, Claude Gobillot, 75 ans, concède n'être plus aussi alerte qu'auparavant, mais l'empêcher de conduire "serait difficile à absorber".
"Je suis obligé d’avoir un moyen de locomotion, la boulangerie la plus proche est à quatre kilomètres. Et je ne me sens pas encore grabataire bien que la maladie ronge. Je minimise les kilomètres, la fatigue", insiste Claude Gobillot, dont le "combat serait plutôt de faire des visites médicales régulièrement à partir d'un certain âge pour faire en sorte qu’il n’y ait pas de dérive".
La Prévention routière précise travailler sur des propositions de tests d'aptitude lors des trois visites médicales gratuites à 25, 45 et 65 ans que comptent instaurer le gouvernement. Elle rappelle qu'un proche peut saisir le préfet qui pourra exiger une visite médicale auprès d'un médecin agréé, et éventuellement restreindre ou retirer le permis.