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Des milliers de Géorgiens ont manifesté mardi après l'adoption par le Parlement d'un projet de loi controversé sur l'"influence étrangère", inspiré d'une loi russe.
Lors d'un examen en troisième et dernière lecture, les députés ont voté à 84 voix "pour" et à 30 voix "contre", selon des images retransmises par la télévision publique.
Devant le Parlement, environ 2.000 manifestants se sont rassemblés en chantant: "Non à la loi russe !", encadrés par une importante présence policière, selon une correspondante de l'AFP sur place.
Des manifestants ont bloqué plus tard une artère en plein centre de la capitale.
Treize manifestants ont été arrêtés "après avoir désobéi aux ordres de la police", selon le ministère de l'Intérieur.
L'épouse de l'activiste David Katsarava a assuré que son mari avait été passé à tabac par la police après son arrestation.
Signe de la tension ambiante, des élus de la majorité et de l'opposition se sont brièvement affrontés à coups de poing lors des débats. Des bagarres similaires s'étaient déjà produites ces dernières semaines.
Les protestations contre ce texte, qui cible des médias et ONG recevant des fonds étrangers, durent depuis plus d'un mois.
La présidente géorgienne Salomé Zourabichvili, pro-européenne et ancienne diplomate française en conflit ouvert avec le gouvernement, devrait mettre son veto au texte, mais le parti au pouvoir "Rêve géorgien" assure avoir assez de voix pour passer outre.
"Nous manifesterons jusqu'à ce que ce gouvernement russe quitte notre pays !", a juré Salomé, une manifestante de 20 ans, juste après le vote.
"Ils essaient de renier les dernières 30 années", soit le chemin parcouru depuis la chute de l'URSS, s'agaçait plus tôt dans la foule de manifestants Mariam Javakhichvili, 34 ans.
Ses détracteurs ont surnommé ce texte "loi russe" en raison de sa similitude avec une législation adoptée en Russie pour réprimer l'opposition.
La référence est sensible en Géorgie, pays qui balance entre les sphères d'influence russe et européenne et a été envahi par Moscou lors d'une intervention militaire en 2008.
Alors que les forces de l'ordre ont, lors de certains rassemblements, utilisé des balles en caoutchouc et du gaz lacrymogène, l'adoption du projet de loi pourrait entraîner de nouveaux heurts.
- "Obstacle" vers l'UE -
En 2023, les manifestations massives avaient forcé "Rêve géorgien" à abandonner une première mouture de ce texte. Mais, cette fois, les députés de la majorité sont passés outre les protestations.
Peu avant le vote, un porte-parole de l'UE a réaffirmé que l'adoption de ce texte constituerait pourtant un "grave obstacle" sur la voie de l'adhésion du pays à l'Union européenne.
Le secrétaire d'Etat adjoint américain, James O'Brien, qui a rencontré mardi à Tbilissi le Premier ministre géorgien, Irakli Kobakhidzé, a prévenu que Washington prendrait "des sanctions financières et des restrictions de déplacement à l'encontre des individus impliqués".
En outre, l'aide de 390 millions de dollars allouée cette année par les Etats-Unis à la Géorgie serait "revue si nous devions être considérés comme des adversaires et non plus des partenaires", a-t-il souligné.
Au Royaume-Uni, la secrétaire d’Etat chargée de l’Europe Nusrat Ghani a quant à elle appelé le gouvernement géorgien à "retirer cette législation".
"Ce projet de loi et les intimidations coordonnées de manifestants l'accompagnant ne correspondent pas aux valeurs démocratiques d'un pays aspirant à rejoindre l'Otan", a-t-elle affirmé, citée dans un communiqué du gouvernement.
Le ministre lituanien des Affaires étrangères Gabrielius Landsbergis a lui affirmé mardi à l'AFP qu'il allait se rendre en Géorgie avec ses homologues islandais, estonien et letton pour exprimer leurs "inquiétudes aux responsables politiques".
La loi doit imposer à toute ONG ou média recevant plus de 20% de son financement de l'étranger de s'enregistrer en tant qu'"organisation poursuivant les intérêts d'une puissance étrangère".
Le gouvernement assure qu'elle vise simplement à obliger les organisations à faire preuve de davantage de "transparence" sur leurs financements.
Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a lui salué "la ferme volonté des dirigeants géorgiens de protéger leur pays contre toute ingérence flagrante".
La controverse autour de ce texte met aussi en lumière l'influence de Bidzina Ivanichvili, homme d'affaires richissime perçu comme le dirigeant de l'ombre de la Géorgie.
Premier ministre de 2012 à 2013 et aujourd'hui président honoraire du "Rêve géorgien", il est soupçonné de proximité avec la Russie, pays où il a fait fortune.
Même s'il assure vouloir faire entrer la Géorgie dans l'UE, il a récemment fait des déclarations hostiles à l'Occident et voit les ONG comme un ennemi de l'intérieur.
Le moment est particulièrement sensible en Géorgie, où se tiendront en octobre des élections législatives.