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Le supermarché mobile fait la tournée de villages allemands isolés

Lorsque l'imposant bus se gare sur la place de Lohne, bourg de l'ouest de l'Allemagne, rares sont les habitants qui manquent à l'appel : c'est l'occasion de faire leurs emplettes hebdomadaires dans ce supermarché mobile qui dessert les déserts commerciaux.

Rewe, troisième groupe de distribution en Allemagne, et la compagnie ferroviaire Deutsche Bahn se sont alliés pour réinventer en mars ce service de proximité qui fait le tour des bourgades rurales de la région de Hesse.

A deux bonnes heures de route de Francfort, la métropole financière, Lohne a vu fermer sa seule supérette au printemps. Pour les quelque 600 habitants du village aux balcons fleuris de géraniums, le passage du bus est une aubaine.

"Ce dont j'ai besoin, je l'obtiens ici", assure Inge Nehreng, 90 ans, venue en tricycle électrique. "Si j'ai besoin de quelque chose de spécial, j'irai ailleurs dans un grand magasin".

Grande particularité du bus Rewe, il a 950 produits en rayon et avec ses 18 mètres de couloir articulé, on est loin de la camionnette à pain d'autrefois.

Il est conçu pour offrir tous les produits du quotidien, y compris les fruits et légumes frais, exposés sur des étals devant le véhicule, aux couleurs rouge et vert de l'enseigne.

"Il ne manque que les couches et les lingettes humides", remarque Yasmine Schneider, 34 ans, venue avec son bambin Felix.

Les clients achètent directement dans le bus et règlent à l'employé de caisse installé près d'une sortie du véhicule.

- Maintenir un lien -

Le bus visite du lundi au samedi vingt-trois villages, y stationnant entre une et deux heures, soit un parcours d'environ 600 kilomètres, retours au dépôt compris.

Les prix, affichés sur des étiquettes électroniques -le bus est connecté au wifi- sont les mêmes que dans un magasin stationnaire, garantit le responsable du projet, Jörn Berszinski.

Le supermarché mobile séduit particulièrement les personnes âgées et isolées : "je suis contente de pouvoir facilement acheter quelque chose ici, car conduire une voiture à 85 ans ne va pas de soi", explique Ursula Sauer, qui vit seule à Lohne.

Dans les rues environnantes le plus souvent désertes, le bus crée du lien.

"Après les courses, nous nous asseyons sur un banc et parlons un peu" entre personnes âgées, ajoute Mme Sauer.

La question est de "savoir comment accompagner le développement rural pour que la qualité de vie au village soit maintenue", résume Hartmut Spogat, maire de la ville de Fritzlar, dont Lohne est un des quartiers excentrés.

- D'autres régions intéressées -

L'équation économique reste à trouver : Deutsche Bahn a financé la transformation du bus en supermarché et facture à Rewe sa mise à disposition avec chauffeur.

"Il faut trois ans pour rentabiliser un magasin stationnaire, le bus, cela pourrait aussi prendre quelques années", explique M. Berszinski, trente ans d'expérience comme franchisé chez Rewe.

L'atout du bus commercial : atteindre plus de clients avec une seule équipe de vente itinérante.

"Dans un contexte de pénurie de main-d'œuvre qualifiée, c'est un avantage", affirme Frank Klingenhöfer, responsable des services de mobilité chez Deutsche Bahn Regio.

En Allemagne où près de 2.000 supermarchés de moins de 400 m2 ont fermé en dix ans, selon l'EHI, l'initiative ne passe pas inaperçue.

"De nombreuses communes d'autres régions ont manifesté leur intérêt", indique M. Klingenhöfer. Mais "Rewe a besoin de détaillants intéressés pour exploiter" les bus, ajoute-t-il.

Le groupe de Cologne veut attendre mars 2025, quand prendra fin le projet pilote en Hesse, avant d'envisager la suite.

L'exploitant public allemand Deutsche Bahn n'en est pas à sa première expérience de services mobiles. Elle a déjà lancé huit "bus médicaux" qui sillonnent la campagne allemande vieillissante.

Dans les cartons, un projet de bus bancaire qui proposerait des conseils financiers, mutualisé entre banques concurrentes dont les réseaux d'agences ne cessent de s'étioler.

En principe, d'autres rayons regroupés, cordonnerie, retoucherie, etc, pourraient aussi élargir la palette des services itinérants, croit M. Klingenhöfer.

Des prestations pour lesquelles "la demande d'un village seul est insuffisante pour agir économiquement".

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