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L'opposant russe Alexeï Navalny condamné à 19 années de prison

Déjà incarcéré pour neuf ans dans des conditions éprouvantes, le principal opposant au Kremlin, Alexeï Navalny, a été condamné vendredi à 19 années de prison pour "extrémisme" à l'issue d'un procès à huis clos.

Avec son habituelle ténacité, le militant anti-corruption de 47 ans a appelé les Russes, dans un message diffusé par son équipe, à continuer à "résister" face à la "bande de traîtres, de voleurs et de crapules qui ont pris le pouvoir".

"(Vladimir) Poutine ne doit pas atteindre son objectif. Ne perdez pas la volonté de résister", a-t-il écrit, disant considérer sa peine comme l'équivalent d'une "condamnation à perpétuité".

"Sa durée est mesurée en fonction de la durée de ma vie ou de la durée de vie de ce régime", a encore indiqué M. Navalny, qui devra purger sa peine dans une colonie à "régime spécial", soit dans l'un des établissements pénitentiaires à la plus sinistre réputation, d'ordinaire destinés aux criminels les plus dangereux et aux condamnés à perpétuité.

Une porte-parole de M. Navalny, Kira Yarmysh, a précisé à l'AFP que la condamnation prenait en compte les quelque deux ans et demi de prison déjà effectués ainsi que ses dix mois d'arrêt domiciliaire en 2014-2015.

A la lecture du verdict, Alexeï Navalny est apparu souriant et détendu, discutant avec son co-accusé Daniel Kholodny, un ancien responsable de sa chaîne YouTube qui a écopé de huit ans de prison, selon des journalistes de l'AFP sur place.

Les principaux pays occidentaux ont fermement condamné cette lourde peine.

Les Etats-Unis ont dénoncé un jugement basé "sur des accusations infondées", "conclusion injuste d'un procès injuste" et Londres a estimé qu'elle témoignait d'un "mépris" pour les droits humains.

L'Allemagne a dénoncé une "injustice flagrante" et la France un "acharnement judiciaire".

L'ONU a appelé à la "libération immédiate" de M. Navalny et l'UE a jugé "inacceptable" cette condamnation "arbitraire".

- Peine "stalinienne" -

A l'extérieur de la colonie pénitentiaire IK-6 de Melekhovo, à 250 kilomètres à l'est de Moscou, où M. Navalny purge sa précédente peine et où le procès s'est tenu, quelques uns de ses partisans ont fait le déplacement pour le soutenir.

Alexandre Choubine, étudiant de 18 ans, explique que l'opposant représente "un espoir pour la Russie", un espoir que "quelque chose peut changer pour le mieux". "Tant que Poutine est au pouvoir, rien ne changera", lance-t-il.

"Le pouvoir veut tout simplement se débarrasser de tous ses opposants et effrayer leurs partisans", abonde Denis, un ingénieur moscovite de 36 ans, qui s'inquiète des nouvelles conditions de détention promises à M. Navalny, dans des colonies où les détenus n'ont "plus aucune chance de voir le monde libre".

Au 18e mois de l'assaut contre l'Ukraine, la Russie est confrontée à une vague de répression visant tant les opposants d'envergure, emprisonnés ou poussés à l'exil, que des milliers de Russes ordinaires ayant critiqué l'offensive.

Détracteur de longue date du président russe, Alexeï Navalny a vu la justice s'acharner sur lui avant le conflit en Ukraine mais son sort s'est aggravé depuis.

Il a été emprisonné à son retour d'Allemagne en Russie, début 2021, après avoir survécu in extremis à un empoisonnement qu'il impute aux services de sécurité russes ayant agi sur ordre du Kremlin.

Le voilà désormais condamné pour la troisième fois. Régulièrement placé à l'isolement et confronté à des problèmes de santé, M. Navalny avait dit jeudi s'attendre à une "peine longue, stalinienne".

- "Vengeance politique" -

Celui qui s'est notamment fait connaître par ses enquêtes sur la corruption du système de Vladimir Poutine et les manifestations qu'il a organisées est accusé d'avoir créé une "organisation extrémiste".

Sa condamnation "est un sinistre acte de vengeance politique qui (...) sert d'avertissement aux détracteurs de l'Etat dans tout le pays", a réagi dans un communiqué Amnesty International.

De sa prison, l'opposant s'est aussi mué en critique féroce du conflit en Ukraine. Pendant son procès, il a ainsi dénoncé les "dizaines de milliers de morts dans la guerre la plus stupide et la plus insensée du XXIe siècle".

"Tôt ou tard (la Russie) se relèvera. Et il dépend de nous de savoir sur quoi elle s'appuiera à l'avenir", a-t-il ajouté.

Toujours combatif, M. Navalny raconte sur les réseaux sociaux, par le biais des messages transmis par ses avocats, sa vie carcérale et dénonce, souvent avec ironie, le harcèlement qu'il subit.

Il a ainsi été envoyé 17 fois en cellule disciplinaire, où on l'oblige à écouter des discours de Vladimir Poutine.

Le marathon judiciaire de M. Navalny risque aussi de ne pas s'arrêter là. Il dit être également poursuivi pour une affaire de "terrorisme" dans une autre procédure, dont peu de détails sont pour le moment connus.

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