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Un quart de siècle après l'assassinat en Corse du préfet Claude Erignac, la justice a fait droit jeudi à la demande de semi-liberté d'Alain Ferrandi, comme elle l'avait fait il y a moins d'un mois pour l'autre membre encore en vie du commando, Pierre Alessandri.
Le tribunal d'application des peines antiterroriste (Tapat) a octroyé à Alain Ferrandi une mesure de semi-liberté d'une année probatoire à une libération conditionnelle pour une durée de dix ans, a appris l'AFP de source judiciaire.
Cette mesure prendra effet "le 23 mars", a précisé l'avocate d'Alain Ferrandi, Me Françoise Davideau.
"Il est évident que M. Ferrandi est soulagé par cette décision. Elle est parfaitement justifiée en faits et en droit. C'est un beau jour pour lui, pour les droits fondamentaux et un espoir de renouveau", a-t-elle déclaré à l'AFP.
Cette décision peut encore faire l'objet d'un appel suspensif du Parquet national antiterroriste (Pnat) qui a 24 heures pour le signifier.
L'aménagement de peine accordé à Alain Ferrandi est en tous points similaire à celui octroyé le 31 janvier par la cour d'appel de Paris à Pierre Alessandri, également condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour son appartenance au commando Erignac, une mesure qui a dégelé les relations entre l'Etat et les élus corses.
Quelques heures après l'octroi par la justice d'une semi-liberté pour Pierre Alessandri, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin annonçait sa venue en Corse pour présider la cérémonie du 25e anniversaire de l'assassinat du préfet Claude Erignac, tombé sous les balles d'un tueur qui lui avait tiré dans le dos, en pleine rue à Ajaccio le 6 février 1998.
"Il est temps d'écrire une nouvelle page de l'histoire de la Corse" et de "construire durablement la paix", avait alors estimé Gérald Darmanin.
Le cycle de discussions sur l'avenir institutionnel de la Corse, grippé depuis plusieurs mois, doit reprendre vendredi à Paris.
- "Geste profondément politique" -
Ces concertations, qui pourraient déboucher sur une potentielle autonomie de la Corse, ont été officiellement lancées en juillet 2022, quatre mois après l'agression mortelle en prison du militant indépendantiste Yvan Colonna, autre membre du commando Erignac condamné à perpétuité, et dont la mort avait suscité de violentes manifestations sur l'île.
Pierre Alessandri et Alain Ferrandi, qui purgeaient leur peine de perpétuité à la centrale de Poissy en région parisienne, avaient été transférés en avril 2022 à la prison de Borgo (Haute-Corse) après la levée par l'exécutif de leur statut de "détenus particulièrement signalés", une revendication ancienne.
Arrêtés en 1999, les deux hommes avaient été condamnés en 2003 et ont fini de purger les dix-huit ans de leur période de sûreté en 2017. Ils étaient libérables depuis cette date et avaient tous deux essuyé plusieurs refus de la justice de leur accorder une libération conditionnelle.
Aujourd'hui âgé de 62 ans, Alain Ferrandi a une promesse d'embauche en CDI pour travailler chez un agrumiculteur de Castellare-di-Casinca, en Haute-Corse, avant de rentrer dormir la nuit à la prison de Borgo.
Le président autonomiste du conseil exécutif de Corse, Gilles Simeoni, a salué auprès de l’AFP "une décision conforme au droit" et "attendue par la quasi-totalité des Corses et de leurs élus", estimant qu'"il n'y a pas d'autre chemin que celui d'une absence d'appel de la part du parquet national antiterroriste".
Jean-Christophe Angelini, à la tête du Parti de la nation corse (PNC, opposition autonomiste) a loué sur Twitter "un acte de droit, de justice et de paix" et "un geste profondément politique, qui permet d'ouvrir en grand les portes de l'espoir".
Pour Josepha Giacometti, élue Corsica Libera (opposition indépendantiste) à l'Assemblée de Corse, "cela aurait dû, aurait pu être le cas depuis longtemps".
Appelant à ne "jamais oublier l'assassinat du préfet Erignac", le député (Horizons) de Corse-du-Sud Laurent Marcangeli a déclaré à l'AFP qu'il était "temps de tourner la page et d'envisager l'avenir d'une Corse en paix avec elle-même".
Quant à l'association de défense des prisonniers dits politiques Sulidarita, elle "reste en attente de la libération de la totalité des patriotes", nécessaire, selon elle, pour "s’engager dans une solution politique".