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Conflit armé en Colombie: la paix entre les mains de deux fins connaisseurs des guérillas

Camilo Gonzalez et Otty Patiño tiennent entre leurs mains la fragile paix en Colombie. Fins connaisseurs des guérillas, ils ont été désignés par le président Gustavo Petro pour mettre fin à l'insurrection armée dans le pays.

Camilo Gonzalez va diriger à 76 ans la délégation officielle dans les pourparlers avec la guérilla connue sous le nom d'Etat-major central (EMC), principale dissidence de l'ancienne guérilla des FARC, qui n'a pas signé l'accord de paix de 2016.

Après l'accord de désarmement avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), guérilla marxiste issue d'une insurrection paysanne en 1964, il a, en tant que directeur du groupe de réflexion sur la paix Indepaz, minutieusement documenté la montée en puissance de l'EMC.

Otty Patiño, 78 ans, est depuis novembre le principal négociateur du gouvernement dans les pourparlers de paix avec l'Armée de libération nationale (ELN), dernière grande guérilla encore active dans le pays, elle aussi née en 1964.

Le septuagénaire est lui-même un ancien membre de la guérilla d'extrême-gauche M-19 qui déposa les armes en 1990 et à laquelle M. Petro a également appartenu dans sa jeunesse. Comme d'autres anciens membres du groupe armé, M. Patiño a participé à l'élaboration de l'actuelle Constitution colombienne.

Dans des entretiens à l'AFP, les deux négociateurs évoquent leurs espoirs d'une fin de conflit. Camilo Gonzalez dit rêver "qu'avec ce gouvernement, un accord soit conclu" avec l'EMC. "La Colombie dispose des conditions nécessaires pour mettre fin à une histoire de guerre", assure-t-il.

Gustavo Petro, premier président de gauche de l'histoire du pays, a lancé un ambitieux plan de négociation avec les groupes armés dans le pays, baptisé "paix totale". En un an au pouvoir, son gouvernement a conclu des cessez-le-feu ou négocie avec plusieurs guérillas, groupes paramilitaires, gangs et cartels de narcotrafiquants.

- "Certaine patience" -

Otty Patiño espère mettre fin "à la période de souffrance" actuelle en parvenant à un accord avec l'ELN, une guérilla à l'origine de l'assassinat de militaires et de civils malgré les négociations en cours. "C'est terrible, c'est extrêmement douloureux (...) Nous vivons une période de souffrance et, bien sûr, il est impératif de réduire cette période de souffrance", dit-il de sa voix posée.

Cinq gouvernements ont tenté de parvenir à la paix avec le groupe d'inspiration guévariste dirigé par Pablo Beltran, 69 ans, mais les rapprochements ont tous échoué. "Ce sont des vieillards comme nous, comme moi (...) ils ont vieilli là-bas, disons, avec les armes", souligne-t-il.

De son côté, M. Gonzalez devra trouver un terrain d'entente avec de jeunes guérilleros bardés de bijoux clinquants, issus du trafic de drogue, de l'exploitation minière illégale et de l'extorsion de fonds. Le principal négociateur de l'EMC, un dénommé Andrey, a fait sa première apparition publique cette année. "C'est un commandement, disons, de deuxième génération (...) ou même de troisième génération par rapport aux fondateurs des FARC", souligne Camilo Gonzalez.

Jamais auparavant l'une des multiples guérillas opérant en Colombie n'avait négocié avec un homme de gauche comme le président Petro. Pour Otty Patiño, "il s'agit d'une occasion unique (...)". Pour la première fois, l'ELN a accepté un cessez-le-feu de six mois, en vigueur depuis la semaine dernière.

L'ELN "aspire à la confiance dans ce gouvernement et dans le processus lui-même", estime M. Patiño.

Mais le temps presse, selon les deux négociateurs. Le processus de paix avec les FARC a duré six ans et a nécessité que le président de l'époque, Juan Manuel Santos, lauréat du prix Nobel de la paix, se présente pour un second mandat, ce qui n'est pas autorisé à l'heure actuelle. Le mandat du président Petro s'achève en 2026.

"Il est nécessaire d'avoir des résultats dans ce gouvernement et rapidement, mais on sait aussi que ces négociations ne sont pas expresses, ce sont des processus de conflits armés et des problématiques qui requièrent une certaine patience", concède M. Gonzalez.

Les accusations mardi du parquet général selon lesquelles l'ELN aurait projeté depuis le Venezuela l'assassinat du procureur général Francisco Barbosa viennent ainsi d'ébranler les négociations avec la guérilla, qui les a réfutées mercredi, estimant qu'elles visaient à "saboter le processus de dialogue".

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