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Le sort des centaines de manifestants emprisonnés après les manifestations anti-gouvernementales de 2021 a dominé les entretiens à Cuba du représentant spécial de l'Union européenne pour les droits humains, Eamon Gilmore, a expliqué ce dernier à la presse.
"La situation des prisonniers a probablement été la question dominante" lors des discussions avec les autorités cubaines, a déclaré vendredi Eamon Gilmore à l'issue d'une visite de deux jours à La Havane.
"Nous avons discuté de cette question tout au long de ces deux jours, à la fois lors du dialogue d'aujourd'hui et lors des réunions bilatérales que nous avons eues", a ajouté le diplomate irlandais dont la visite s'inscrit dans le cadre de l'Accord de dialogue politique et de coopération en vigueur depuis 2017 entre le bloc européen et l'île communiste.
Cette visite intervenait plus de deux ans après les manifestations sans précédent du 11 juillet 2021 lors desquelles des milliers de Cubains étaient descendus dans la rue pour réclamer plus de liberté et de meilleures conditions de vie. La Havane accuse Washington d'avoir orchestré ces protestations.
Depuis, selon les derniers chiffres officiels, au moins 500 manifestants ont été condamnés, parfois jusqu'à 25 ans de prison. Des ONG estiment à 700 le nombre de manifestants incarcérés. L'ambassade des Etats-Unis évoque un millier de "prisonniers politiques", parmi lesquels les manifestants condamnés.
Le président cubain Miguel Diaz-Canel, qui a reçu M. Gilmore à la fin de sa visite, a indiqué sur le réseau social X lui avoir réaffirmé "le ferme engagement de Cuba en faveur de la pleine réalisation de tous les droits humains". En dépit de divergences sur certaines questions, "des points communs ont été identifiés et offrent des possibilités de coopération".
M. Gilmore, qui a rencontré des familles de détenus, a notamment précisé avoir discuté avec les autorités cubaines des "arrestations, des peines qui ont été prononcées, dont certaines très longues, du nombre de personnes encore détenues et des rapports dont nous disposons sur les conditions de détention de certaines d'entre elles".
Il a également indiqué que "pour la première fois" (les autorités cubaines) ont fourni "des chiffres" précis sur le nombre de manifestants détenus. Ils seront rendus publics après avoir été analysés et recoupés, a-t-il précisé.
- "Impact de l'embargo" -
M. Gilmore a également expliqué avoir discuté avec les autorités du décès dimanche d'un manifestant emprisonné.
L'homme âgé de 37 ans est mort dans un hôpital de La Havane après son transfert d'une prison et son décès "serait lié à l'absence de soins médicaux adéquats en prison", avait indiqué mardi la Commission interaméricaine des droits humains (CIDH).
Durant sa visite, M. Gilmore a notamment rencontré des députés, le ministre de la Justice, le vice-ministre de l'Intérieur et le procureur général, ainsi que des "organisations et acteurs de la société civile".
Des familles de manifestants emprisonnés avaient indiqué jeudi à l'AFP avoir demandé une réunion avec le représentant européen et qu'il visite leurs lieux de détention.
"Je voudrais plaider la cause de mes trois enfants et de tous les manifestants emprisonnés", avait ainsi déclaré Emilio Roman. Ses enfants, deux hommes de 25 et 18 ans et une femme de 23 ans, purgent des peines de prison de dix ans pour les deux aînés et cinq ans pour le cadet.
Parallèlement, M. Gilmore a également reconnu "l'impact" sur les droits humains des Cubains de l'embargo économique américain, en vigueur depuis 1962, et de l'inscription de l'île par les Etats-Unis sur la liste des pays soutenant le terrorisme.
Cela "nuit aux droits humains parce que ça fait souffrir (...) les gens sur le terrain", a-t-il dit, citant les difficultés d'accès de la population aux médicaments, à la nourriture, aux carburants.
Il a reconnu que "le gouvernement lui-même a ses propres responsabilités concernant la situation économique" et encouragé "Cuba à poursuivre ses réformes économiques" alors que l'île s'ouvre progressivement au secteur privé.