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L'armée érythréenne a quitté une ville du Tigré et restait présente dans deux autres dimanche, ont indiqué des habitants de cette région du nord de l'Ethiopie, au lendemain de l'annonce par Washington d'un "retrait en cours" de ces soldats accusés de nombreuses exactions.
L'armée de l'Erythrée, pays frontalier du Tigré, est entrée dans la région en novembre 2020 pour soutenir les forces fédérales éthiopiennes qui combattaient les autorités régionales dissidentes. Ce conflit meurtrier a officiellement pris fin avec un accord signé le 2 novembre à Pretoria entre le gouvernement éthiopien et les rebelles.
L'Erythrée n'a pas participé à ces discussions et le maintien de ses troupes, accusées d'exactions sur les civils durant le conflit ainsi qu'après l'accord de Pretoria, est considéré comme un obstacle majeur à la paix dans la région.
Selon des témoignages recueillis dimanche matin par l'AFP, les forces érythréennes n'étaient plus présentes dans la ville d'Aksoum.
"Je ne vois pas de soldats érythréens en ce moment dans la ville", a déclaré un habitant, affirmant que leur retrait a commencé vendredi: "Ils sont partis (...), transportant des dizaines de pièces d'artillerie, des canons anti-aériens et des chars".
Des mouvements de troupes et de matériel ont également été observés ces derniers jours dans les villes de Shire et Adwa.
Trois habitants de Shire ont dit avoir vu de larges convois de soldats quitter la ville depuis vendredi après-midi. L'un deux affirme avoir compté "18 tanks et 22 pièces d'artillerie". Plusieurs bus et camions transportant des soldats portaient des banderoles, dont l'une clamait: "Game over" (fin de partie).
Des soldats étaient toutefois toujours visibles dimanche. "J'ai vu des soldats érythréens et éthiopiens patrouiller ensemble", a affirmé un habitant.
A Adwa, située à 85 kilomètres à l'est de Shire, "les forces érythréennes sont toujours présentes en nombre conséquent, même si j'ai vu des troupes stationnées dans d'autres parties de la ville partir ces derniers jours", a déclaré une habitante.
- "Crucial" -
Les accès au Tigré étant restreints, il est impossible de vérifier de manière indépendante la situation sur le terrain. Ni les rebelles tigréens, ni le gouvernement éthiopien n'ont répondu aux sollicitations de l'AFP.
Après un entretien téléphonique avec le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken avait, lui, salué samedi le "retrait en cours des troupes érythréennes du nord de l'Ethiopie".
Il "s'est félicité de ce développement, en notant qu'il était crucial pour assurer une paix durable", a déclaré le département d'Etat dans un communiqué.
L'Igad, organe régional est-africain qui participe à la médiation du processus de paix, "salue toutes les mesures prises pour assurer la mise en œuvre harmonieuse de l'accord qui mènera à une paix permanente et durable en Ethiopie", a déclaré dans un message à l'AFP son porte-parole Nuur Mohamud Sheekh.
Le départ des troupes érythréennes du Tigré est réclamé par la communauté internationale depuis le début de la guerre.
Leur présence avait été rapportée dès les premières semaines du conflit, quand Abiy Ahmed a envoyé l'armée destituer les autorités régionales dissidentes, issues du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF).
Asmara et Addis Abeba l'ont niée pendant des mois, avant que M. Abiy ne l'admette fin mars 2021.
- Accusations de massacres -
Etat autocratique ayant obtenu son indépendance de l'Ethiopie en 1993, l'Erythrée est l'ennemie jurée du TPLF depuis une sanglante guerre frontalière en 1998-2000 quand ce parti dirigeait l'Ethiopie (1991-2018).
Ses troupes ont été accusées de pillages, de massacres et de viols durant et après le conflit, notamment à Aksoum ou dans le village de Dengolat.
S'il se confirme, ce retrait constitue une avancée majeure du processus de paix lancé le 2 novembre.
Depuis l'accord, les combats ont cessé, l'acheminement d'aide humanitaire et médicale reprend progressivement et la capitale régionale Mekele a été raccordée au réseau électrique national.
Mais le volet militaire reste largement soumis à la présence érythréenne.
Les rebelles ont annoncé le 11 janvier avoir commencé à restituer leurs armes lourdes, disant espérer "que cela contribuera grandement à accélérer la mise en œuvre complète de l'accord" de Pretoria.
Les signataires avaient en effet convenu que "le désarmement des armes lourdes se fera(it) simultanément au retrait des forces étrangères et non-fédérales", en référence notamment à l'Erythrée.
Début décembre, les Tigréens avaient également désengagé l'essentiel de leurs combattants des lignes de front, tout en en maintenant dans certains endroits pour éviter les "atrocités" commises par des "forces qui sont des obstacles à la paix".
Une fois ces menaces écartées, "nous ferons (un désengagement) à 100%", assuraient-ils.