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Le gouvernement pakistanais, confronté à de sérieuses difficultés financières, a dévoilé vendredi un budget de 14.500 milliards de roupies (environ 50,5 milliards de dollars) pour l'exercice 2023-24, dont plus de la moitié consacrée au service de la dette.
L'économie du cinquième pays le plus peuplé du monde, fragilisée par une crise de la balance des paiements, tente d'assumer une dette extérieure écrasante, après des mois de chaos politique qui ont effrayé les investisseurs étrangers potentiels.
L'inflation est montée en flèche, la roupie a dégringolé et le pays ne parvient plus à importer, ce qui a asséché la production industrielle.
Environ 950 milliards de roupies sont réservés à des projets de développement susceptibles de séduire les électeurs lors de l'élection générale prévue cette année, parmi d'autres mesures électoralistes comme l'augmentation de la rémunération des fonctionnaires jusqu'à 35% et de 17,5% pour les fonctionnaires retraités.
Même si les élections approchent, c'est "un budget responsable plutôt qu'un budget électoral" a assuré devant l'Assemblée nationale vendredi le ministre des Finances Ishaq Dar.
Le budget "ne servira à rien si l’inflation n’est pas réduite, les pauvres ne seront soulagés que si l'inflation est allégée", a réagi Akhtar Khan Nawaz, ouvrier sur un marché de fruits et légumes de la capitale Islamabad.
Le Premier ministre Shehbaz Sharif a blâmé son prédécesseur Imran Khan - évincé par une motion de censure en avril - se déclarant optimiste quant à une prolongation en juin d'un prêt du Fonds monétaire international (FMI), cruciale pour sortir de la crise.
Selon lui, la direction du FMI a "donné son engagement verbal... il n’y a aucun obstacle".
Pour débloquer une nouvelle tranche du prêt de 6,5 milliards de dollars conclu en 2019, le FMI a cependant demandé au pays d'obtenir un financement extérieur supplémentaire, de supprimer une partie des subventions électoralistes et de laisser la roupie flotter librement face au dollar.
Islamabad n'est parvenu à remplir aucun de ses objectifs de croissance en 2022-2023, selon un rapport gouvernemental publié jeudi, le PIB devant atteindre à peine 0,3% au cours de l'exercice budgétaire clos fin juin.
Les hypothèses budgétaires tablent sur 3,5% pour le prochain exercice, très au-dessus des 2% prévus par la Banque mondiale dans un rapport publié cette semaine, et sur une inflation annuelle revenant à 21% au lieu de 37,97%.
L'économie pakistanaise a été lourdement frappée par les inondations record de 2022, qui ont laissé près d'un tiers du pays sous l'eau, dévastant l'agriculture et causant des dizaines de millions de sans-abri.
Le gouvernement est de plus sous la pression d'une situation politique tendue, souligne Nasir Iqbal, économiste au Pakistan Institute of Development Economics (PIDE).
La popularité de la campagne pour le retour au pouvoir d'Imran Khan s'est transformée en violences de rue depuis sa brève arrestation en mai, conduisant à des arrestations en masse et des procès devant les tribunaux militaires, dans un pays où l'armée a déjà réussi au moins trois coups d'État.