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L'humanité "vampirique" a "brisé le cycle de l'eau", mettant en danger des milliards de personnes à travers la planète, a dénoncé mercredi le secrétaire général des Nations unies à l'ouverture de la première conférence de l'ONU sur l'eau depuis près d'un demi-siècle.
"Nous avons brisé le cycle de l’eau, détruit les écosystèmes et contaminé les eaux souterraines", a lancé Antonio Guterres à l'ouverture de ces trois journées qui doivent accueillir plus de 6.500 participants dont une centaine de ministres et une douzaine de chefs d'Etat et de gouvernement.
"Nous drainons l’humanité de sa substance vitale par la surconsommation vampirique et l'utilisation non durable que nous faisons de l'eau, et nous provoquons son évaporation en réchauffant la planète", a-t-il ajouté, s'inquiétant de l'avenir "compromis" de l'eau, pourtant "la sève de l'humanité" et "un droit humain".
Pas assez d'eau par endroits, trop à d'autres où les inondations se multiplient, ou de l'eau contaminée: si les situations dramatiques sont légion dans de nombreux endroits de la planète, un rapport de l'ONU-Eau et de l'Unesco publié mardi souligne le "risque imminent d'une crise mondiale de l'eau".
- Première depuis 1977 -
"Si rien n'est fait, entre 40 et 50% de la population continuera à ne pas avoir accès à des services d'assainissement et environ 20-25% à de l'eau potable", a déclaré à l'AFP son auteur principal Richard Connor.
Et si les pourcentages ne changent pas, la population mondiale grossit et le nombre de personnes touchées avec.
Alors la conférence de l'ONU, la première de cette ampleur depuis 1977 sur cette question vitale mais trop longtemps ignorée, suscite beaucoup d'attente pour espérer garantir d'ici 2030 l'accès pour tous à de l'eau potable ou à des toilettes, objectifs fixés en 2015.
Les participants, Etats, entreprises ou représentants de la société civile, étaient appelés à venir avec des engagements concrets, certains déjà annoncés en amont.
Mais déjà, certains observateurs doutent de leur portée et de la disponibilité des financements nécessaires pour les mettre en oeuvre.
Pour Stuart Orr de WWF, "nous pouvons construire des sociétés et des économies résilientes si les gouvernements et les entreprises mettent rapidement en place des politiques, pratiques et investissements qui reconnaissent, et restaurent, la pleine valeur de rivières, lacs et zones humides en bonne santé".
- "Besoin de soutien" -
Alors que ces 40 dernières années, l'utilisation de l'eau douce a augmenté de près de 1% par an, le rapport de l'ONU-Eau met en premier lieu en avant les pénuries d’eau qui "tendent à se généraliser" et à s'aggraver avec l'impact du réchauffement, jusqu'à frapper prochainement même les régions aujourd'hui épargnées en Asie de l'Est ou en Amérique du Sud.
Ainsi, environ 10% de la population mondiale vit dans un pays où le stress hydrique atteint un niveau élevé ou critique. Et selon le rapport des experts climat de l'ONU (Giec) publié lundi, "environ la moitié de la population mondiale" subit de "graves" pénuries d'eau pendant au moins une partie de l'année.
Une situation qui met aussi en lumière les inégalités. "Où que vous soyez, si vous êtes assez riches, vous arriverez à avoir de l'eau", a souligné Richard Connor.
Et les femmes et les filles "sont affectées de façon disproportionnées", a insisté mercredi l'acteur Matt Damon, co-fondateur de l'ONG Water.org. "Des millions de filles ne sont pas à l'école parce qu'elles doivent aller chercher de l'eau".
Le problème n'est pas seulement le manque d'eau, mais la contamination de celle qui peut être disponible, en raison de l'absence ou de carences des systèmes d'assainissement.
Au moins deux milliards de personnes boivent de l'eau contaminée par des excréments, les exposant à des maladies mortelles, choléra, dysenterie, typhoïde ou polio.
Pour assurer l’accès de tous à l’eau potable d'ici à 2030, il faudrait multiplier les niveaux d'investissement actuels par trois au moins, estime l'ONU-Eau.
"Tout ce dont nous avons besoin pour vivre une vie décente est directement lié à l'eau, notre santé, la nourriture, les habitats, l'économie, les infrastructures et le climat", a insisté mercredi le roi Willem-Alexander des Pays-Bas, co-président de la conférence avec le président du Tadjikistan.
Mais comme pour la lutte contre le changement climatique, les pays les plus pauvres de la planète n'ont pas les moyens de le faire seuls.
"Nous devons construire des infrastructures adaptées à un nouveau monde où les tempêtes sont plus fréquentes et plus violentes", notamment pour stocker et traiter l'eau sur des îles où l'intrusion de la mer dans les réserves souterraines est de plus en plus problématique, a souligné à la tribune Kausea Natano, Premier ministre des Tuvalu.
Alors "nous avons besoin de soutien, via des partenariats, une coopération internationale, des financements et des transferts de technologie", a-t-il plaidé au nom des Etats insulaires du Pacifique.