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Le ministre français de l'Economie, Bruno Le Maire, a estimé vendredi lors d'un entretien à l'AFP qu'"il faut que nous (les Etats européens, ndlr) soyons capables de balayer devant notre propre porte" avant de s'inquiéter des effets du grand plan climat américain sur l'industrie européenne.
"L'Europe a-t-elle changé d'approche sur la réindustrialisation et l'indépendance stratégique européenne? Oui. (...) Pour autant, va-t-on suffisamment loin et vite? Non. L'IRA (le plan climat américain, ndlr) doit nous conduire à un sursaut industriel", a estimé M. Le Maire, présent à Washington dans le cadre de la visite d'Etat du président français Emmanuel Macron.
L'adoption à l'été du plan climat de 420 milliards de dollars de Joe Biden, baptisé "Inflation Reduction Act" (IRA) et obtenu après d'âpres négociations au Sénat, a suscité des tensions transatlantiques, notamment à cause des subventions et réductions d'impôts prévues en particulier pour les véhicules électriques, les batteries et les projets d'énergie renouvelables qui favorisent le "made in USA".
Ce plan a fait bondir tant Bruxelles que les capitales européennes, qui voient ces diverses subventions comme des mesures "discriminatoires" et "contraires aux règles de l'Organisation mondiale du commerce".
Mais, reconnaît Bruno Le Maire, "si l'ambition est la même" que pour les Européens, les Etats-Unis s'appuient sur des approches qui "sont plus simples et plus rapides".
"Ils mettent des crédits d'impôts immédiats et massifs là où nous apportons des aides d'Etat via les PIIEC (projets importants d'intérêt européen commun, ndlr) qui sont adoptés parfois en deux ans et sont encore trop complexes à mettre en oeuvre", a précisé le ministre de l'Economie.
"Si l'IRA peut nous amener, nous Européens, à prendre conscience que le monde et nos partenaires économiques ne nous feront aucun cadeau et que nous devrons être plus résolus dans la défense de nos intérêts, tant mieux", a appuyé M. Le Maire.
Les effets du plan américain sur l'industrie européenne ont été discutés jeudi par Emmanuel Macron et Joe Biden, ce dernier se défendant, lors de leur conférence de presse commune, de vouloir que les créations d'emplois espérées aux Etats-Unis se fassent "aux dépens de l'Europe".
- "Travail en commun" -
"Le président a fait prendre conscience à M. Biden et son administration des conséquences possibles de l'IRA sur l'industrie européenne, qui est déjà fragilisée par la guerre en Ukraine et par les prix de l'énergie", a assuré Bruno Le Maire.
Mais "nous sommes passés de la pédagogie au travail en commun", a ajouté le ministre français, ce "qui va nous permettre de poursuivre ensemble et de manière coordonnée et coopérative ces objectifs stratégiques des deux côtés de l'Atlantique".
Parmi les points soulevés, celui de l'accès au marché américain de certains produits européens dans les mêmes conditions que ceux produits sur place.
Le Canada et le Mexique ont justement obtenu ce type d'avantage après avoir eux aussi protesté quant aux conditions des subventions américaines, qui allaient selon eux à l'encontre de l'accord de libre-échange entre les trois pays entré en vigueur en 2018.
"Nous allons ouvrir un certain nombre de chantiers: égalité de traitement entre composants américains et européens, éviter une course aux subventions qui est inefficace du point de vue économique et dangereuse du point de vue des finances publiques, et coordination sur les grands projets, hydrogène, batteries électriques et semi-conducteurs", a détaillé M. Le Maire.
Avec un message transmis aux Etats-Unis: "nous ne sommes pas venus chercher des dérogations ponctuelles, nous voulons ouvrir un travail en commun" sur les sujets énoncés.
Reste que les marges de manoeuvre pour Joe Biden pourraient s'avérer limitées, entre la perte de sa majorité à la Chambre des représentants en janvier, résultat des élections de mi-mandat, et la force d'un texte qui se veut un symbole fort pour le président américain.
D'autant que certaines de ses mesures sont très populaires, en particulier dans les Etats où l'industrie automobile reste très puissante, comme l'Ohio ou le Michigan, désormais considérés comme des Etats clés, où les élections peuvent se jouer.
"Je suis confiant", insiste cependant Bruno Le Maire, car aux Etats-Unis comme en Europe, "nous privilégierons une approche coopérative à toute approche confrontationnelle. Nous ne voulons pas laisser à la Chine, la Russie ou d'autres le monopole de l'industrie décarbonée et nous voulons nos propres filières industrielles en la matière."