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"Otez vos mains de l'Afrique!" Dès le début mardi de sa visite à Kinshasa, où il a été accueilli avec ferveur, le pape François a dénoncé le "colonialisme économique" qui "se déchaîne" notamment en République démocratique du Congo, vaste pays en proie à des violences endémiques.
"Cessez d'étouffer l'Afrique: elle n'est pas une mine à exploiter ni une terre à dévaliser", a lancé le pape, dans un discours en italien prononcé devant les autorités et le corps diplomatique au palais présidentiel.
Ses mots ont été applaudis, résonnant particulièrement en RDC, pays au sous-sol d'une immense richesse et à la terre fertile, dont les deux tiers des quelque 100 millions d'habitants vivent avec moins de 2,15 dollars par jour.
Le "colonialisme économique" était le fait de multinationales et pays lointains, mais des pays voisins de la RDC sont désormais accusés eux aussi du pillage des ressources de la RDC, qui leur profite économiquement et alimente les conflits.
La RDC fait notamment face à la résurgence du groupe armé M23 qui a conquis ces derniers mois de vastes pans de territoire dans le Nord-Kivu, province congolaise frontalière du Rwanda accusé d'ingérence par Kinshasa.
Intervenant avant le pape, le président congolais Félix Tshisekedi a réitéré ces accusations. "Outre des groupes armés, des puissances étrangères avides des minerais contenus dans notre sous-sol commettent, avec l'appui direct et lâche de notre voisin le Rwanda, de cruelles atrocités", a-t-il déclaré.
L'est de la RDC compte des dizaines de groupes armés, dont des rebelles islamistes qui prennent pour cible des civils. La visite du pape intervient d'ailleurs deux semaines après un attentat sanglant revendiqué par le groupe Etat islamique (EI) dans une église pentecôtiste du Nord-Kivu.
Dans son discours, François a exhorté les Congolais à ne pas "glisser dans le tribalisme et la confrontation" et "encouragé les processus de paix en cours" afin que "les engagements soient tenus".
- Elections transparentes -
Il n'a par ailleurs pas ménagé la classe dirigeante, appelant à "favoriser des élections libres, transparentes et crédibles" face à la menace de la corruption, alors qu'une élection présidentielle est prévue dans le pays le 20 décembre.
L'Eglise jouant un rôle majeur dans la société et la politique de RDC, les Congolais attendaient du pape un message sur ce terrain de la démocratie, en plus de celui des conflits.
Dès mardi matin, des Kinois avaient commencé à se rassembler aux abords de l'aéroport international, où l'avion du souverain pontife a atterri en début d'après-midi.
Au son de chants, tambours, fanfare et tams-tams, la foule a grossi au fil des heures, de plus en plus dense et impatiente. "J'ai vu un ange", déclare une jeune fille, transportée de joie après avoir vu le pape dans sa "papamobile".
Sur les quelque 25 km menant au centre-ville, le convoi officiel a été salué par des dizaines de milliers de personnes massées le long des grandes avenues de la mégapole de quelque 15 millions d'habitants.
"Je ne voulais pas manquer cette opportunité de le voir en face", déclare dans la foule à l'AFP Maggie Kayembe, la trentaine. Le pape "prêche toujours la paix où il passe, et la paix, on en a vraiment besoin", ajoute la jeune femme.
Initialement prévue en juillet 2022, cette visite avait été reportée en raison des douleurs au genou du pape de 86 ans, qui se déplace en chaise roulante, mais aussi des risques de sécurité à Goma, dans l'est du pays, une étape finalement supprimée.
Mardi soir, des dizaines de milliers de personnes devraient participer à une veillée de prière à l'aéroport N'dolo de Kinshasa, où elles passeront la nuit, avant une messe géante mercredi matin à laquelle plus d'un million de fidèles sont attendus.
Ces derniers jours, les préparatifs s'étaient accélérés dans la capitale congolaise, où banderoles et panneaux géants rivalisent de messages de bienvenue pour le premier pape à visiter le pays depuis Jean Paul II en 1985.
Lors de sa visite de quatre jours, François rencontrera également des victimes de violences, des membres du clergé et des représentants d'œuvres caritatives.
Dans son premier discours, le chef des 1,3 milliard de catholiques a aussi évoqué l'environnement, l'éducation, les problématiques sociales et sanitaires, des thématiques sur lesquelles il devrait revenir lors de ses prochaines prises de parole.
Il s'agit du quarantième voyage international de François depuis son élection en 2013, le cinquième sur le continent africain. Après Kinshasa, il rejoindra vendredi Juba, capitale du Soudan du Sud, plus jeune Etat du monde et parmi les plus pauvres de la planète.