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"Aujourd'hui, nous ne devons plus payer pour travailler": depuis le déploiement massif de militaires et policiers à Soyapango, dans le cadre de la lutte contre les bandes criminelles, les commerçants de cette ville des faubourgs populaires de San Salvador se réjouissent de ne plus être soumis aux rançons des gangs.
"Dans chaque quartier où on allait, les gangs exigeaient de nous un loyer pour pouvoir vendre", raconte à l'AFP Joel Ascencio, un habitant du quartier San José, où le gang Mara Salvatrucha, l'un des plus violents du pays, est implanté.
"C'était dur parce que nous ne voyions pas les bénéfices" de notre travail, poursuit l'homme qui tient, avec sa femme Marta, un petit commerce ambulant de fruits et légumes dans le centre de cette ville de 242.000 habitants.
"Aujourd'hui, c'est différent. Sans les +mareros+ (les membres des Maras, les gangs armés, ndlr), nous ne sommes plus rançonnés", se réjouit le quadragénaire, qui dit avoir perdu son emploi dans une banque, tout comme sa femme, en 2020, en pleine épidémie de Covid-19.
Vendeur de sorbets artisanaux, Santos Rivera, 62 ans, passe avec son chariot par un poste de contrôle militaire, où les voitures sont arrêtées et fouillées de manière aléatoire.
-"Qu'ils en viennent à bout!"-
"Aujourd'hui, on est plus tranquilles pour travailler, sans peur qu'on nous emmerde. C'est pas facile de gagner quelques centimes pour manger et que d'autres viennent vous les prendre. Qu'ils en viennent à bout!" lance l'homme à l'AFP d'une voix forte, le regard dirigé vers les forces de l'ordre.
Depuis samedi, et l'encerclement total de la ville par plus de 10.000 militaires et policiers, 185 membres présumés de gangs ont été arrêtés, a annoncé mardi le ministre de la Défense René Merino.
Le président Nayib Bukele avait annoncé le 23 novembre que des villes seraient encerclées afin que les militaires puissent fouiller les domiciles un par un et procéder à l'arrestation de membres de gangs. Soyapango est la première ville où cette procédure est appliquée.
Depuis fin mars et le lancement par le président salvadorien de la "guerre" contre ces gangs qui font régner la terreur dans le pays, plus de 59.000 membres présumés de bandes criminelles ont été arrêtés dans le pays.
Susana Avilés a, elle, dû fermer son petit commerce de vêtements début 2021 à cause des bandes criminelles qui la rançonnaient, avant de le rouvrir malgré la peur.
"Ca fait un peu peur de parler de ce qui nous est arrivé avec ces personnes", avoue cette mère célibataire de 36 ans résidant dans le quartier sensible de La Campanera.
Elle raconte avoir reçu des menaces de mort du gang "Barrio 18". Ils l'ont avertie qu'ils la tueraient si elle ne leur versait pas 100 dollars chaque mois.
"Je n'avais pas de quoi payer, c'était ça ou fermer boutique et, si je ne le faisais pas, ma vie et celle de mon fils auraient été en danger. Il valait mieux fermer", raconte-t-elle.
La peur au ventre, elle a fini par rouvrir sa boutique en avril dans un étroit local loué en plein coeur de Soyapango.
Les Salvadoriens sont 75,9% à soutenir l'état d'urgence décrété fin mars. Neuf sur dix estiment que la délinquance a baissé, selon un sondage de l'Université centraméricaine (UCA).
Des organisations telles que Human Rights Watch et Amnesty International ont cependant critiqué le régime d'exception instauré, qui permet à la police et à l'armée de procéder à des arrestations sans mandat, dénonçant des violations des droits humains et des abus commis à l'encontre des personnes détenues.