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Le réseau social Threads, lancé mercredi par Meta pour concurrencer Twitter, n'est pas disponible dans l'Union européenne où il attend des éclaircissements réglementaires, mais son arrivée est juste "une question de temps", estime Alexandre de Streel, directeur académique du Center on Regulation in Europe (CERRE).
Pour conquérir plus de 30 millions d'inscriptions en 24 heures dans une centaine de pays, le groupe américain s'est appuyé sur les données des deux milliards d'utilisateurs actifs de son service Instagram.Cette pratique semble prohibée par le règlement des marchés numériques (DMA), une nouvelle législation européenne qui s'appliquera aux géants du numérique à partir de mars 2024, a expliqué à l'AFP cet expert en droit du numérique.
Question: La nouvelle législation européenne (DMA) empêche-t-elle Threads de se lancer en Europe?
Réponse: Il y a des dispositions dans le DMA qui empêchent d'utiliser votre force sur un marché, ici sur Instagram, pour aller sur un autre marché. Or, c'est l'utilisation de la base de clientèle d'Instagram qui a permis à Threads une montée en puissance aussi rapide. Le patron d'Instagram, Adam Mosseri, a lui-même expliqué que l'intention était bien de lancer Threads en Europe à l'avenir.
Je pense que c'est une question de temps pour comprendre la portée de la législation et avoir un dialogue avec la Commission. Le texte est nouveau et donc il y a encore pas mal de questions d'interprétations.
Est-ce que le DMA est là pour créer de la concurrence d'où qu'elle vienne, y compris de la part des acteurs importants des réseaux sociaux, ou bien est-ce qu'il s'agit de créer seulement de la concurrence avec de nouveaux entrants, idéalement des Européens? Mon sentiment est que le DMA est plutôt là pour créer de la concurrence d'où qu'elle vienne. Ce serait dommage que le règlement ait pour résultat de freiner la concurrence entre les grands groupes. Plus vous avez de concurrence, plus vous avez une situation favorable aux consommateurs.
Q.: Threads ne pourrait-il pas se passer du marché européen?
R.: Le modèle économique de Threads n'est pas différent de celui de Twitter. Il s'agit de monétiser le trafic sur son réseau par de la publicité. Or, c'est sur les marchés nord-américains et européens qu'ils font les marges les plus élevées sur la publicité. Threads a intérêt à venir en Europe et c'est très clair qu'ils veulent le faire.
Ce qui se passe, c'est qu'on a en même temps le lancement d'un nouveau service et celui d'une nouvelle législation dont le contour n'est pas complètement précis. Si le lancement de Threads avait été programmé dans un an, avec une vision plus claire de la législation, peut être qu'il aurait eu lieu en même temps aux États-Unis et en Europe.
Q.: Si l'interprétation de la législation de l'UE n'est pas celle souhaitée par les dirigeants de Meta, quelles seront leurs options?
R.: La solution la moins favorable pour eux serait de ne pas lancer Threads du tout en Europe, mais je pense qu'ils y arriveront d'une manière ou d'une autre.
Si l'interprétation du DMA c'est qu'il n'est pas possible d'utiliser la base de clients Instagram pour lancer Threads, ils pourraient le lancer sans utiliser Instagram. Une fois que le service sera diffusé aux États-Unis et dans une centaine de pays, ils peuvent espérer qu'il y aura un effet de réseau suffisant pour entraîner les consommateurs européens sans qu'il soit nécessaire de recourir à l'effet de levier d'Instagram.
Mais peut-être qu'ils trouveront une interprétation du DMA qui sera acceptée par la Commission et qui leur permettra de passer un peu par Instagram pour déployer leur nouveau service.