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Loliana l’a échappée belle. Elle a été opérée en urgence pour une grossesse extra-utérine et une hémorragie interne il y a une douzaine de jours. Elle affirme "qu’un jour avant, on l’a laissé quitter les urgences de l’hôpital d’Arlon, avec de très fortes douleurs au ventre". Elle considère avoir été victime "d’une erreur médicale". De son côté, l’hôpital indique avoir pris contact avec elle, dans le but d'entamer une médiation.
"J’ai failli mourir, et cela à deux reprises, à cause de l'hôpital Vivalia d'Arlon". Ces mots forts sont ceux de Loliana, une jeune femme de 25 ans qui a dû être hospitalisée en urgence il y a une dizaine de jours. Elle raconte sa mésaventure via le bouton orange Alertez-nous et une vidéo postée sur TikTok.
L’habitante de Rouvroy estime qu’elle n’a pas été bien prise en charge par les urgences de cet établissement hospitalier. Elle rapporte s’y être rendue dans la nuit du 28 au 29 février, après avoir appelé le service pour de forts maux de ventre. Voici comment elle décrit les événements : au bout du fil, on aurait conseillé à la jeune femme en début de grossesse de faire des lavements. Comme cela ne fonctionne pas, son compagnon l’accompagne sur place. "J'avais des douleurs au ventre à ne plus savoir bouger, ni tenir debout", dit-elle.
La douleur est atroce, je n'arrive plus à me nourrir
Une fois à l’hôpital, "je suis rapidement prise en charge. Dans le box, l'infirmière me fait une prise de sang, un test urinaire. Le médecin vient, me pose trois questions, palpe mon ventre et me refuse l'échographie que je demande". Elle dit avoir insisté, car elle craignait une occlusion intestinale, en vain. "Le médecin me dit que je suis constipée, qu'on va me prescrire des sachets à diluer dans l'eau pour m’aider à aller à la selle. Il me conseille aussi de faire une échographie avec ma gynécologue dans la semaine, mais je lui ai dit qu’elle était en vacances".
Loliana repart avec ses douleurs. Les sachets n’agissent pas. Le lendemain, les douleurs s’intensifient même. "C’est atroce, je n’arrive plus à me nourrir, je commence à vomir. Et j’ai déjà deux enfants, c’est très compliqué".
Avec l’échographie, ils auraient pu voir qu’il n’y avait pas de fœtus dans le ventre
La jeune femme se rend cette fois à l’hôpital Vivalia de Libramont, à 50 minutes de chez elle. "Les infirmières et médecins m’écoutent vraiment et là ils me font voir le gynécologue". Le verdict tombe rapidement : "il se rend compte que je fais une grossesse extra-utérine, j’ai une hémorragie interne et ma trompe a explosé. Après une demi-heure, j’étais au bloc opératoire. On a dû me retirer plus d’un litre de sang dans le ventre".
Toujours en convalescence, la jeune femme est sortie de l’hôpital il y a une dizaine de jours, elle est encore bouleversée par ce qui lui est arrivé : "Avec l’échographie, ils auraient pu voir qu’il n’y avait pas de fœtus dans le ventre. Ils m’ont retiré une trompe. Psychologiquement, c’est très difficile à gérer. Et physiquement, j’ai encore mal. Je peux me déplacer, mais rien porter. Avec deux enfants, c’est compliqué".
On m'a mise en danger
Loliana considère qu’elle n’a pas vraiment été écoutée aux urgences à Arlon : "C’est comme si on n’avait pas envie de me recevoir et on m’a mise en danger. Ça aurait pu être fatal. Et ce n’est pas la première fois que j’ai de problèmes avec cet hôpital".
Elle confie aussi que lors de son premier accouchement en mars 2017, "un bout de placenta a été oublié dans mon ventre, ce qui a provoqué un début de septicémie". Si elle témoigne aujourd’hui, c’est avant tout pour "mettre en garde": "Je voudrais que ça n’arrive plus et qu’il y ait plus de surveillance".
Que s’est-il passé?
Une grossesse extra-utérine survient quand l’œuf fécondé ne grandit pas à l’intérieur mais à l’extérieur de l’utérus. Le fœtus grandit au mauvais endroit, ce qui peut entraîner une déchirure et un saignement dans le ventre de la mère et mettre sa vie en danger. Plus la prise en charge est rapide, moins les risques de complications sont élevés. Certains symptômes peuvent se manifester, comme des douleurs soudaines au niveau du bas ventre et des pertes de sang brunes.
Cette grossesse extra-utérine aurait-elle pu être détectée plus tôt ? Loliana a-t-elle été correctement examinée lors de sa première prise en charge aux services d’urgence de l’hôpital d’Arlon ? Nous avons contacté l’institution pour tenter d’avoir des réponses.
Le directeur général aux Affaires médicales de Vivalia, Alexandre Hebert, confirme que Loliana a bien été prise en charge dans les deux implantations du groupe mais il indique d’emblée, secret médical oblige, "qu’aucune information médicale concernant la patiente ne peut être donnée". En revanche, il nous éclaire sur la suite.
S'il y a un ressenti négatif, on le prend au sérieux
Il explique que : "la direction médicale a pris contact avec elle, après avoir vu une vidéo sur les réseaux sociaux". La jeune femme a en effet raconté sa mésaventure dans une vidéo postée sur TikTok.
Et il y a eu de premiers échanges avec certains professionnels de la santé qui se sont occupés d’elle. Le service de médiation de l’hôpital a été saisi. "L’objectif est de faire une analyse de la situation de manière objective, en écoutant la patiente et les praticiens", souligne-t-il. Il décrit ce service comme "un canal de communication et d’écoute pour objectiver les faits et déterminer s’il y a des dysfonctionnements ou des choses à améliorer".
Est-ce qu’un examen complémentaire est justifié ou non? C’est du cas par cas
A la question de savoir si un examen, comme une échographie, peut être refusé à une patiente aux urgences ? Le directeur général aux Affaires médicales rappelle toute la complexité de ce genre de situations : "Les services d’urgence sont des services d’accueil de première ligne, on y fait une première analyse. Dans les hôpitaux il y a toute une structure d’aval. Mais, est-ce qu’un examen complémentaire est justifié ou non ? C’est du cas par cas. Un gynécologue est à disposition. Si l’urgentiste estime que c’est nécessaire, un avis peut être demandé en seconde intention, ça c’est en règle générale".
Il ajoute : "s’il y a un ressenti négatif de quelqu’un… ", comme c’est visiblement le cas pour Loliana, "on le prend au sérieux, on écoute la personne et on analyse". Dans le cas présent, cette analyse serait déjà en cours.
Au-delà de la situation difficile de Loliana, la direction de l’hôpital avance "le volume de passage important aux urgences : 30.000 passages par an". Et "certains ne sont pas satisfaits. Mais, le pourcentage de mécontents est extrêmement faible. Une médiation peut être entamée. Des rencontres sont parfois organisées entre le patient et les professionnels de santé impliqués. La plupart du temps, cela se passe bien". Et si l’apaisement n’est pas trouvé ? "La patientèle est libre d’entamer des poursuites d’autres types. Tous les hôpitaux doivent faire face à cela".
Que peuvent faire les patients mécontents?
Trois types de recours s’offrent aux patients qui estiment être victimes d’une erreur médicale, nous apprend l’ASBL droits quotidien. L’association d’aide juridique édite un guide pratique sur le sujet et propose des fiches informatives sur son site internet.
1. La médiation
Il y a un service de médiation dans chaque hôpital en Belgique, c’est une obligation légale. Le médiateur doit travailler en toute indépendance et respecter le secret médical. Cette procédure est gratuite, relativement rapide et doit en général intervenir avant les autres types d’action. Mais, la médiation ne permet pas d’obtenir un éventuel accord financier. Ce sont les assurances qui indemnisent si les conditions sont remplies.
Donatella de Angelis, médiatrice de l’hôpital d’Arlon, explique que parfois elle arrive à apaiser la situation directement au téléphone, lors de la première prise de contact. Mais, "souvent un entretien et/ou un courriel sont nécessaires pour détailler précisément aux patients et à leur famille, comment le diagnostic a été fait, les examens réalisés, le traitement préconisé". Elle ajoute que "dans un petit nombre de cas, les patients et/ou le personnel médical considèrent qu'il y a une responsabilité de la part de l'institution, du médecin ou que le dommage relève d'un aléa thérapeutique. Dans ce cas, je reste à leur disposition afin de leur exposer les démarches à suivre, les dossiers à compléter, et les informations à fournir".
2. Le Fonds des accidents médicaux
Ce fonds peut donner un avis sur la responsabilité d'un praticien, évaluer le dommage et accorder une indemnisation si les conditions sont remplies, notamment celle d’un dommage suffisamment grave. La loi prévoit un délai de 6 mois pour obtenir une réponse, mais dans la pratique celui-ci dépasse parfois les deux ans.
3. Le recours en justice
Une action en justice peut être intentée en première instance devant le juge de paix ou le Tribunal de première instance, en fonction du montant de la demande. La procédure en justice s’avère souvent longue et coûteuse.
Quant à Loliana, elle n'est pas encore fixée, elle réfléchit aux suites à donner à sa mésaventure.