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Laurent Nkunda détenu dans un "endroit secret"

Laurent Nkunda, le chef tutsi de la rébellion congolaise, qui a été arrêté jeudi soir au Rwanda, serait détenu dans un « endroit secret ». C'est ce qu’a déclaré un responsable de l’armée rwandaise sous couvert d’anonymat.

"L'état-major conjoint FARDC (armée congolaise) et éléments RDF (armée rwandaise) informe l'opinion publique de l'arrestation du général déchu Laurent Nkunda jeudi à 22h30 en cavale sur le territoire rwandais après avoir opposé une brève résistance à nos militaires à Bunangana", indique le communiqué signé de l'inspecteur général de la police de RDC, John Nundi.

Les forces rwandaises et congolaises étaient arrivées jeudi soir aux portes de la localité congolaise de Bunangana, fief du chef de la rébellion du Conseil national pour la défense du peuple (CNDP), dans la province du Nord-Kivu, dans l'est de la République démocratique du Congo.

Les principaux commandants du CNDP, dont le chef d'Etat-Major Bosco Ntaganda, avaient rallié le 16 janvier la coalition FARDC-armée rwandaise, affaiblissant considérablement Nkunda. Jeudi, un journaliste de l'Agence France Presse avait vu dans Bunangana quelques éléments CNDP marcher dans la ville mais aucun préparatif de résistance armée. Laurent Nkunda ne s'exprimait plus publiquement depuis l'entrée en RDC mardi 20 janvier de ses anciens alliés rwandais, qui ont enlevé peu à peu ses positions.

Une offensive conjointe de soldats rwandais et congolais a commencé le 20 janvier pour traquer les rebelles hutu rwandais, réfugiés en RDC depuis le génocide au Rwanda de 1994. Elle avait aussi visiblement pour objectif de chasser Nkunda des territoires qu'il occupait dans la région du Rutshuru (Nord-Kivu) depuis son offensive fin octobre 2008 contre les FARDC qui s'était arrêtée aux portes de Goma, la capitale provinciale.

Laurent Nkunda serait en résidence surveillée à Gisenyi, ville rwandaise située en face de Goma, capitale congolaise de la province du Nord Kivu.

Satisfaction de Kinshasa qui souhaite son extradition


Le gouvernement de la République démocratique du Congo (RDC) exprime sa "satisfaction" après l'arrestation jeudi soir au Rwanda du chef tutsi de la rébellion congolaise Laurent Nkunda et souhaite son extradition, a déclaré vendredi son porte-parole, Lambert Mende.

C'est "la satisfaction" car "Laurent Nkunda a fait couler beaucoup de sang dans nos provinces orientales, surtout au Nord et Sud-Kivu", a déclaré M. Mende, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement. "Il a systématiquement sabordé tous les efforts de pacification non violente et cherché à ridiculiser le président de la République (Joseph Kabila) et toutes nos institutions", a-t-il ajouté.

Interrogé sur le souhait de Kinshasa de voir Laurent Nkunda extradé pour le juger, le ministre de la Communication, et porte-parole du gouvernement a répondu: "Cela relève des autorités rwandaises, mais nous souhaitons qu'il en soit ainsi". Pour M. Mende, l'arrestation de Nkunda s'inscrit "dans la perspective d'être présenté devant son juge naturel", la justice congolaise.

Selon M. Mende, l'arrestation du chef du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) est "une bonne perspective pour la paix, la sécurité et la stabilité de notre pays et une des manifestations de l'harmonisation" entre Kinshasa et Kigali.






Laurent Nkunda, officier rebelle et défenseur des Tutsi congolais


A la tête de quelques milliers de soldats, le général tutsi congolais Laurent Nkunda, arrêté jeudi au Rwanda, défiait depuis des années le pouvoir de Kinshasa qu'il accuse de discrimination contre la minorité tutsi en République démocratique du Congo (RDC).

Il avait appelé début octobre 2008 les Congolais à se soulever et annoncé que son mouvement politico-militaire, le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), se transformait en un mouvement de libération nationale.

Début janvier, un putsch interne au CNDP, mené par son chef d'état-major le général Bosco Ntaganda, s'était soldé par l'éviction de Nkunda, abandonné par la plupart de ses commandants qui avaient annoncé la "fin de la guerre" avec l'armée congolaise.

A 41 ans, cet homme mince et élancé, au visage émacié, menait une guerre d'usure contre une armée régulière (FARDC) en pleine restructuration, qu'il a souvent mise en déroute, notamment au cours de son offensive d'octobre 2008 qui l'a mené aux portes de Goma, capitale provinciale du Nord-Kivu.

Il accusait Kinshasa de connivence avec les rebelles hutu rwandais génocidaires, réfugiés dans l'est de la RDC.

Comme beaucoup d'autres Tutsi congolais, il a commencé sa carrière militaire dans les rangs du Front patriotique rwandais (FPR, ex-rébellion tutsi du Rwanda) qui mit un terme en juillet 1994 au génocide perpétré par le régime hutu alors en place à Kigali.

Après deux ans au sein de l'armée rwandaise, il rejoint au Zaïre voisin la rébellion conduite par Laurent-Désiré Kabila (père de l'actuel chef de l'Etat congolais, Joseph Kabila) qui renverse le dictateur Mobutu en 1997, avec l'appui des armées rwandaise et angolaise.

En 1998, Kabila père rompt avec ses anciens alliés rwandais et Nkunda devient un des commandants du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD), une rébellion soutenue par Kigali pendant le conflit régional qui secoue l'ex-Zaïre jusqu'en 2003.

Il a toujours démenti tout appui militaire de Kigali, bien que nombre de ses hommes - estimés à 5.000 par l'ONU - portent un uniforme rwandais et soient équipés d'appareils de communication sophistiqués. Mais dans un rapport publié mi-décembre 2008, l'ONU affirmait que le Rwanda apporte une aide, tant militaire que financière, aux rebelles congolais de Laurent Nkunda.

Après la guerre, alors que le RCD intègre le gouvernement de coalition à Kinshasa, Nkunda est promu général, mais refuse de prendre son poste, dénonçant une réforme de l'armée ne permettant pas "la réconciliation nationale" promise.


















C'est en juin 2004 qu'il fait trembler la République pour la première fois en s'emparant brièvement de la capitale du Sud-Kivu, Bukavu, où il affirme défendre ses "frères" tutsi.

Déchu de l'armée, il est visé depuis septembre 2005 par un mandat d'arrêt de la justice militaire pour des crimes de guerre perpétrés par ses hommes à Bukavu. "Je n'ai pas choisi de faire la guerre. A l'origine, je devais être infirmier, mais je dois répondre à l'appel des populations menacées", affirmait récemment ce protestant, marié et père de quatre enfants, né le 2 février 1967 à Mirangi (Nord-Kivu). "Je me battrai tant que les Interahamwe (extrémistes hutus rwandais) seront ici", a-t-il souvent déclaré, se défendant d'oeuvrer à une partition du Congo, débouché naturel pour un Rwanda surpeuplé et pauvre en ressources naturelles.