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Nico Papatakis, cinéaste subversif aux 1.001 vies

Cinéaste provocateur, le Français d'origine grecque Nico Papatakis, décédé le 17 décembre, qui fut ami de Genet, époux d'Anouk Aimée, compagnon de la chanteuse Nico, patron de cabaret et producteur de Cassavetes, a eu 1.001 vies, de l'Ethiopie à Paris en passant par New York.

Né le 19 juillet 1918 à Addis-Abeba (Éthiopie), Nikos ou Nico Papatakis, a été soldat en Ethiopie avant d'être contraint à l'exil pour s'être rallié à l'empereur Hailé Sélassié. Il se réfugie d'abord au Liban puis en Grèce. En 1939, il s'installe à Paris.

Il fréquente alors l'intelligentsia de l'époque, Jean-Paul Sartre, André Breton, Jacques Prévert, Robert Desnos, Jean Vilar et se lie d'amitié avec le sulfureux Jean Genet.

En 1947, il crée le mythique cabaret "La Rose Rouge", tremplin pour de nombreux artistes dont Juliette Gréco. C'est Papatakis qui lui choisit sa robe de scène, en soldes chez le couturier Pierre Balmain : noire, avec une traîne de satin doré. Juliette découpe le doré et adopte l'épure noire qui deviendra sa marque de fabrique.

Entre temps, Papatakis épouse l'actrice Anouk Aimée dont il a une fille, Manuela, en 1951.

Un an plus tôt il avait produit et financé l'unique oeuvre cinématographique de Genet, "Un chant d'amour", avec une photographie signée Cocteau. Mais le film est censuré et ne sortira qu'en 1975.

En 1957, il se fixe à New York où il se lie avec le mannequin allemand Christa Päffgen. Elle lui emprunte son prénom et devient ainsi la légendaire Nico, égérie d'Andy Warhol et du Velvet Underground.

Il y recontre aussi John Cassavetes, qui manque d'argent pour terminer son premier long métrage, "Shadows". Dégotant les fonds nécessaires, il devient coproducteur du film.

De retour à Paris, Papatakis réalise en 1962 son premier film, "Les Abysses", d'après la pièce de Genet "Les Bonnes", inspirée de l'histoire vraie des soeurs Papin. Le film est présenté au festival de Cannes la même année et fait scandale.

En 1967, il tourne "Les Pâtres du désordre" qui dénonce le régime des colonels grecs. Mais le film sort en mai 1968, quand personne ne songe à aller au cinéma ! C'est un échec.

En 1975, son film brûlot, "Gloria Mundi", qui évoque la torture en Algérie, est tout de suite retiré de l?affiche à la suite d'un attentat à la bombe au cinéma Marbeuf. Trente ans plus tard, il en présente à Athènes une version retouchée, accueillie avec enthousiasme.

Ce film parle aussi des dérives de l'amour passion. "L'idée communément admise est que l'amour, c'est formidable. C'est totalement faux : c'est terrible l'amour, il faut être extrêmement costaud pour pouvoir vivre ça!", s'exclame en 2005 le cinéaste.

Papatakis vivait au moment du tournage avec l'actrice grecque Olga Karlatos. La résonnance autobiographique du film n'échappe à personne...

Après "Gloria Mundi", il faut attendre dix ans pour qu'il renoue avec le cinéma. Ce sera "La Photo", sélectionné en 1986 à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes.

Puis, avec "Les Equilibristes", en 1991, il dresse un portrait acerbe de Jean Genet, incarné par un Michel Piccoli saisissant. Présenté à la Mostra de Venise, le film s'attire les foudres des admirateurs de l'écrivain.

Le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand a salué mercredi en Papatakis un "irréductible marginal (...), dont l'exigence et l'audace nous poursuivront longtemps".

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