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Foot: Noël Le Graët, l'habile politique à l'image abîmée

Pendant plus d'une décennie, Noël Le Graët a dirigé le football français avec poigne et habileté politique, mais sa fin de règne s'accompagne d'un climat pesant et d'une communication "non maîtrisée", abîmant un peu plus l'image du "Menhir" de 81 ans.

Né un 25 décembre dans une famille pauvre des Côtes-d'Armor, le président de la Fédération française de football (FFF) s'est forgé un destin national depuis Guingamp, où il a fait fortune dans l'agro-alimentaire, propulsé le club local, l'En Avant, du monde amateur à la Coupe d'Europe et dirigé la mairie.

L'octogénaire, en place depuis 2011, a su tisser un réseau au-delà du cercle socialiste de ses débuts, s'offrant une ligne directe avec l'Élysée, de François Hollande jusqu'à Emmanuel Macron. Sa sortie jugée irrespectueuse dimanche sur Zinédine Zidane, icône nationale, a cependant irrité au plus haut sommet de l'Etat.

"Ce n'est pas la première fois qu'il prononce des mots inacceptables", glisse une source proche du gouvernement, touchée par une "sensation d'accumulation" et un "sentiment de ras-le-bol".

Même au sein du comité exécutif de la FFF, d'habitude si fidèle, le navire commence à sérieusement tanguer, à tel point qu'un départ n'est plus tout à fait exclu.

"Quel enfer ! Zidane c'est un saint laïc, tout le monde l'aime. Qu'est-ce qu'il avait besoin de dire cela ?", peste un membre du "Comex" sous couvert d'anonymat, fâché par cette "communication non maîtrisée". Il s'est même fait "reprendre de volée par un gamin de 24 ans", note-t-il en référence aux critiques formulées par Kylian Mbappé.

- Formules assassines -

Loyal avec l'État, dur avec ses adversaires, le Breton est devenu maître dans l'art des formules assassines. La provocation, notamment sur des sujets de société, a parfois viré au dérapage.

C'est le cas lorsqu'il estime que le racisme "n'existe pas ou peu" dans le monde du football. Sa déclaration aux relents sexistes sur les Bleues qui "peuvent se tirer les cheveux" tant qu'elles gagnent, a aussi fait des vagues.

Plus récemment, son soutien inconditionnel au Qatar, hôte controversé de la Coupe du monde 2022, a fait grincer des dents. "C'est pas insoluble ça, c'est des coups de peinture", lâche-t-il par exemple dans l'émission Complément d'enquête qui, images à l'appui, lui montre les chambres exiguës infestées de cafards dans lesquelles s'entassent des travailleurs sous-traitant de l'hôtel des Bleus.

Arrivé sur les ruines de Knysna et de la débâcle du Mondial 2010, Le Graët reste le bâtisseur de la deuxième étoile gagnée par l'équipe de Didier Deschamps au Mondial-2018. Sous son magistère, la FFF s'est enrichie en reprenant notamment le contrôle des droits marketing liés aux Bleus, véritable poule aux oeufs d'or.

Le football féminin s'est aussi développé, avec un envol du nombre de licenciées et une visibilité accrue pour le Championnat avec Canal+ en diffuseur et Arkema en sponsor-titre. Ses contempteurs insistent cependant sur l'élan coupé depuis le Mondial-2019 à domicile et les tensions ayant entouré la sélection dirigée par Corinne Diacre.

- Audit ministériel -

Le fondateur du groupe Le Graët (800 salariés), spécialisé dans la pêche, les conserves et les surgelés, s'est imposé dans la France du foot en présidant la Ligue professionnelle de 1991 à 2000.

L'ancien représentant en électroménager et hi-fi a procédé à un toilettage de la gestion des clubs, avec l'instauration de la DNCG (l'instance de surveillance de la santé financière des clubs français) et est entré en collision frontale avec Bernard Tapie au moment de l'affaire VA-OM (1993), ce qui a renforcé sa stature.

Son troisième mandat complet à la tête de la FFF, avec une fin programmée en 2024, est parasité par des témoignages, tous anonymes, émanant d'anciennes salariées l'accusant de comportements sexistes et de gestes déplacés; des accusations suffisamment graves qui ont poussé le ministère des Sports à lancer un audit.

Autrefois présenté comme un "monstre politique" par ses proches, celui qui a survécu à une leucémie lymphoïde semble avoir perdu une partie de cette habileté, comme l'illustre le dernier "Comex" survenu vendredi.

Plusieurs membres ont très "mal pris" les cachoteries du "Prez", comme il est surnommé au siège parisien de la FFF, boulevard de Grenelle, concernant la prolongation de Deschamps, qu'ils ont "découvert" le lendemain durant l'Assemblée fédérale. Ils n'ont pas plus goûté d'apprendre dans la presse sa candidature pour un nouveau mandat au Conseil de la Fifa.

"Cela aurait dû passer par une délibération du Comex. En plus il va se prendre une veste d'enfer" face à son concurrent portugais, prédit une source au sein de l'organe fédéral.

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