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Quatre Oscars pour le film pacifiste allemand "A l'Ouest, rien de nouveau"

Le film "A l'Ouest, rien de nouveau", adaptation d'un roman pacifiste sur la Première Guerre mondiale et produit par Netflix, a décroché dimanche quatre Oscars dont celui du meilleur film international, une reconnaissance rare pour une oeuvre en langue allemande.

Près de cent ans après la publication du livre éponyme qui l'a inspiré, devenu un classique de la littérature allemande, le long-métrage d'Edward Berger est l'un des grands vainqueurs de la cérémonie. Outre celui de meilleur film international, il a décroché les Oscars de la meilleure musique originale, des décors et de la photographie,après avoir obtenu le mois dernier sept Bafta, les récompenses britanniques du cinéma.

"Ca signifie tant pour nous", a réagi à Hollywood le réalisateur. "C'est un immense succès pour le cinéma allemand. On peut en être fier", s'est félicité le chancelier allemand Olaf Scholz sur Twitter.

Et le dirigeant d'ajouter: "en ces temps difficiles, cela montre sans équivoque à quel point la guerre est terrible et inhumaine".

Un peu plus d'un an après l'invasion russe de l'Ukraine, c'est "malheureusement le bon film au bon moment", avait constaté le mois dernier la ministre allemande de la Culture, Claudia Roth.

Fait rare: c'est la deuxième fois qu'une adaptation du livre de l'Allemand Erich Maria Remarque, paru en 1929, est récompensée aux Oscars.

En 1930, le long-métrage de l'Américain Lewis Milestone avait obtenu l'Oscar du meilleur film et celui du meilleur réalisateur.

Réalisée par le Suisse Edward Berger, cette nouvelle adaptation du roman avait récolté au total neuf nominations aux Oscars, dont celle du meilleur film, une grande première dans l'histoire de l'Académie américaine pour un long-métrage en langue allemande.

C'est toutefois la comédie déjantée "Everything Everywhere All At Once" qui a remporté la plus haute distinction.

La dernière fois qu'une oeuvre allemande avait obtenu l'Oscar du meilleur film international remonte à 2007 avec "La Vie des autres".

- Endoctrinement nationaliste -

Lu par des générations de lycéens en France et en Allemagne, le roman traduit dans plus de 60 langues raconte le destin tragique d'un jeune soldat allemand, Paul Bäumer, parti au front la fleur au fusil.

Il découvre l'horreur des tranchées en France et se rend compte avec désespoir de l'endoctrinement nationaliste dont lui et ses camarades ont été victimes.

Le livre d'Erich Maria Remarque, pourchassé dès 1930 par les nazis et exilé en Suisse, puis aux Etats-Unis, avait fait l'objet en 1933 d'autodafés. Le film américain, accusé de "trahir les soldats", avait été rapidement interdit en Allemagne.

Disponible sur la plateforme américaine Netflix depuis le 28 octobre dernier, la nouvelle adaptation est également sortie en salles de cinéma dans certains pays.

Si le public allemand lui a fait la fête --il était en tête des films les plus regardés sur les plateformes de streaming en Allemagne avec 3,2 millions de vues les deux premières semaines après sa sortie, selon la société allemande de conseil Goldmedia--, la presse de ce pays était mitigée.

Le tabloïd Bild était plutôt élogieux, mais deux des plus grands quotidiens du pays l'avaient peu apprécié. "En Allemagne, on ne sait pas faire la différence entre un bon et un mauvais film de guerre, cent ans après", écrivait la Frankfurter Allgemeine Zeitung. Et la Süddeutsche Zeitung regrettait que ces "148 minutes de kitsch guerrier digne d'un blockbuster" se soient tant éloignées du texte original du roman.

- "Point de vue allemand" -

Dans un entretien à l'AFP en mars dernier, Berger avait expliqué avoir "voulu faire un film très allemand" .

Ce Suisse a vécu la plus grande partie de sa vie en Allemagne où il est né.

Tourner dans la langue maternelle du livre était une évidence pour le réalisateur.

Cela permet d'avoir "une certaine authenticité" et de donner un aperçu plus profond de la "honte, la responsabilité et la culpabilité" ressentie par de nombreux Allemands après les deux conflits mondiaux du XXe siècle.

Si Netflix avait exigé de travailler en anglais, Berger aurait "immédiatement dit non".

Le film introduit de nouvelles scènes par rapport au roman, en dépeignant notamment les pourparlers tendus entre la délégation allemande et les généraux français inflexibles avant l'armistice.

Il omet en revanche une partie du livre dans laquelle Paul Bäumer, traumatisé par la guerre, retourne chez lui lors d'une permission et se rend compte qu'il ne trouve plus sa place dans la société.

"Je me suis senti autorisé à faire ces changements", car "pourquoi faire la même chose", rétorque M. Berger en revendiquant son droit d'"observer, de critiquer".

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