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"Atteindre le plus haut niveau possible". A Dijon, des sportifs s'entraînent dans un laboratoire de l'Inserm entièrement dédié à l'étude du mouvement. Objectif: améliorer leurs performances, parfois en vue des JO, tout en faisant avancer la recherche.
Théo De Meyere, 23 ans, est lancé à plus de 26 km/heure sur un tapis de course de ce Centre d'expertise et de la performance (CEP).
Spécialiste du 800 mètres, il a été équipé d'un masque et d'un harnais qui enregistre sa consommation d'oxygène et sa production de CO2.
Après un 400 mètres en conditions "normales", le sportif de haut niveau doit réaliser la même performance sous une tente en "hypoxie", c'est-à-dire en étant privé d'une partie d'oxygène.
"C'est comme s'il courait à 2.000 mètres d'altitude", explique Hervé Assadi, son entraineur, chercheur à l'unité CAPS (Cognition, action et plasticité sensorimotrice) de l'Inserm, dont fait partie le centre d'expertise.
Lors d'un deuxième passage sous la tente, le coureur s'arrête, épuisé, sans parvenir à boucler la distance.
"On essaye de repousser les limites de la connaissance du corps et de la performance sportive", décode son entraineur. "En le privant d'oxygène, on rend sa séance plus difficile ; s'il parvient malgré tout à maintenir sa vitesse, il aura un avantage dans le final du 800 mètres lors du championnat de France d'élite fin juin, qualificatif pour les JO", ajoute-t-il.
"Le but, c'est lui permettre d'atteindre le plus haut niveau possible".
- "Nouveaux jouets" -
Corentin Le Guen et Sébastien Verdin, tous deux membres de l'équipe de France de handi rugby, a priori sélectionnés pour les Jeux paralympiques, s'entraînent aussi dans cette structure de Dijon, où ils viennent chercher "la qualité plutôt que la quantité".
"On est un peu comme des enfants, on teste des nouveaux jouets", s'amuse Corentin Le Guen dans son fauteuil.
Privé de l'usage de ses jambes, il veut travailler l'endurance de ses membres supérieurs "pour pouvoir tenir sur une compétition très longue".
Son coéquipier s'apprête, lui, à essayer un entraînement en hypoxie: "je vais voir comment mon organisme réagit; si c'est bénéfique, si ça ne crée pas trop de fatigue, je réitérerai l'expérience en juillet avant les Jeux", prévoit-il.
"Trois fois par an, nos sportifs passent une batterie de tests complets: on mesure la façon dont leur corps produit de l'énergie, leur force musculaire...", décrit Carole Cometti, directrice du CEP de l'Inserm, qui suit au quotidien les séances des athlètes. "Si on voit qu'ils ne progressent pas, on va faire évoluer leurs entrainements", assure-t-elle.
"On est capable d'analyser l'architecture complète d'un muscle: s'il est plus ou moins épais, s'il est en mesure de produire telle ou telle force, s'il y a une fatigue induite par un exercice en particulier", énumère Nicolas Babault, chercheur de l'Inserm et professeur à l'université de Bourgogne. "Cela nous permet d'optimiser les entraînements."
- Caméras infra-rouge -
Si tous ces tests ont bien pour but d'accroître les capacités des athlètes, ils visent aussi à faire progresser la recherche.
"C'est ce qui fait que notre unité", où s'entraîne entre 100 et 150 sportifs par jour, est "unique en Europe", vante son directeur, Charalambos Papaxanthis.
Les scientifiques de l'Inserm étudient en effet à la loupe les mécanismes neurophysiologiques de la motricité. "Si on comprend comment le cerveau contrôle un mouvement, on peut mettre ces connaissances au service d'un public plus large comme un patient en rééducation ou une personne âgée en Ephad...", déroule M. Papaxanthis.
Les chercheurs ont doté le centre d'une batterie de matériel - caméras d'analyse infra-rouge, électrodes de calcul de l'activité musculaire, robots, capteurs au sol mesurant pics de vitesse, nombre de pas ou hauteur de sauts...
Des technologies et calculs mathématiques qui doivent déboucher sur des applications très concrètes.
L'électrostimulation, qui permet de diminuer la sensation d'effort physique, pourrait par exemple bénéficier à des patients alités en préservant une partie de leur activité musculaire, ou encore à des malades ayant fait un AVC, selon les chercheurs de l'Inserm.