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Le coronavirus en Belgique a contraint la population à se confiner, même si plusieurs secteurs d'activités économiques et sociales ont pu reprendre en cette phase 1B du plan de déconfinement. Si les professionnels de l'immobilier ont pu recommencer les visites ce lundi 11 mai, une question reste en suspens : qu'en est-il des visites de particulier à particulier ? Et dans ces conditions, un locataire qui s'apprête à quitter un logement peut-il refuser d'organiser des visites ?
Aucune décision du CNS sur les visites immobilières entre particuliers
"Mon locataire a donné son préavis mais refuse de faire visiter l'appartement avant le déconfinement total", écrit François via notre bouton orange Alertez-nous. "À partir de quand un propriétaire pourra-t- il organiser une visite physique du bien tout en respectant les mesures de distanciation ?"
Malheureusement pour François, la réponse est qu'on n'en sait toujours rien. "C'est pour l'instant un flou", regrette Olivier Hamal, le président du Syndicat National des Propriétaires. "Nous avons demandé une clarification au Conseil National de Sécurité mais nous n'avons pas encore reçu de réponse". En effet, le CNS n'a toujours pas abordé ce sujet dans sa communication d'hier. "On ne nous a pas encore dit qu'on pouvait. On n'en parle jamais." En l'état, c'est donc toujours la décision du 24 mars communiquée par le centre de crise qui prévaut : les visites sont interdites.
Possible à condition de recourir à une agence immobilière
Par contre, ce qui est de nouveau permis depuis ce lundi 11 mai, ce sont les visites organisées par les agences immobilières. Donc "si un propriétaire passe par une agence immobilière pour faire visiter son bien à louer, le locataire sera alors obligé d'accepter ces visites", explique encore Olivier Hamal. Obligé au sens où cette obligation de visites est inscrite dans l'immense majorité des baux signés par les locataires.
Si un locataire refuse : direction la justice de paix
Mais pour José Garcia, le président du Syndicat des Locataires, ce n'est pas si simple. En l'absence de règle claire édictée par le CNS, ce sont les règles habituelles qui s'appliquent. "En théorie, si c'est inscrit dans le bail, le locataire ne peut pas refuser les visites. Mais si le locataire estime avoir de bonnes raisons de les refuser, alors le bailleur doit aller devant un juge de paix", rappelle-t-il.
La peur de la contamination : raison valable ou pas pour un juge ?
C'est le juge qui devra trancher et juger du bien fondé des arguments du locataire. "Ici, le danger de contamination et le respect du confinement sont des éléments qui plaident plutôt pour qu'on ne fasse pas ces visites", estime José Garcia. Mais le juge devra prendre en compte le caractère urgent de cette organisation des visites, vu désormais par le prisme du confinement. Un peu comme la police devait estimer le caractère essentiel d'un déplacement avant le début du déconfinement.
Sans préjuger d'une décision qui ne revient qu'au juge, on peut tenter de soupeser les arguments en présence. Une urgence économique du côté du bailleur pourrait jouer en sa faveur, d'autant que puisque les visites ont pu reprendre via des agences immobilières, il serait difficile d'accorder du poids à un argument sanitaire du côté du locataire ; à moins que celui-ci ne soit lui-même atteint de Covid-19, ce qui n'est cependant que temporaire. Le juge pourrait alors contraindre le locataire à accepter les visites aux jours et heures qu'il définira. De plus, si son refus devait avoir pour conséquence d'amener le bailleur à subir une perte de loyer d'un mois, il pourrait également se voir contraint d'indemniser celui-ci par le paiement d'un mois de loyer supplémentaire.
Des visites et déménagements ont lieu malgré le (dé)confinement
Au final, dans la grande majorité des cas, propriétaires et locataires ont trouvé un terrain d'entente pendant ce confinement. En effet, le représentant des locataires n'a, à sa connaissance, pas été confronté à des bailleurs se demandant s'ils devaient ou non ouvrir leurs portes pour des visites.
"Les problématiques qui reviennent le plus souvent sont la difficulté de payer son loyer quand on a perdu son travail ou qu'on est au chômage temporaire, les étudiants qui n'occupent pas le bien loué, ou les locataires qui ne pouvaient pas déménager. La question des visites n'est certainement pas le plus préoccupant de nos jours", explique José Garcia.
D'autant que selon le représentant des propriétaires, des visites et des déménagements ont bien eu lieu malgré le confinement. "Pour le moment, beaucoup de propriétaires font des visites de biens vides. Quant aux visites avec un locataire toujours présent, c'est interdit, tout comme les déménagements. Mais dès la fin mars, j'ai moi-même constaté des déménagements dans les rues, soit avec des camionnettes prêtées ou même louées. Et je n'ai pas eu de retours de bailleurs qui auraient été sanctionnés par la police pour avoir organisé des visites. J'imagine qu'ils les auront faites de façon prudentes et espacées."
Les propriétaires prêts à faire respecter les mêmes règles que les agents immobiliers
Aujourd'hui, les Belges peuvent recevoir à leur domicile 4 personnes toujours les mêmes ainsi que des corps de métier comme les professionnels de la santé, les aides-ménagères, les laveurs de vitre, les ramoneur, les chauffagistes et réparateurs, les contrôleurs communaux, les certificateurs PEB, les professeurs de musique et bien d'autres. Viendront s'y ajouter les coiffeurs, masseurs ou esthéticiens dès lundi prochain.
Dès lors, recevoir des candidats locataires sans agent immobilier ne semble pas contrevenir à l'esprit du déconfinement. "La logique devrait le permettre", estime Olivier Hamal, d'autant que "on ne peut pas contraire un propriétaire à prendre un agent immobilier". C'est pour régler ce flou qu'il souhaite une clarification du CNS. Les propriétaires sont prêts à faire respecter les mêmes conditions que les agents immobiliers lors des visites, comme la mise à disposition de gel hydroalcoolique, le port du masque et les visites d'une seule personne à la fois pendant 15 minutes maximum.
En attendant, tout se règle le plus souvent à l'amiable, grâce à la bonne entente entre propriétaires et locataires. José Garcia n'a qu'un conseil à donner à François : "Que chacun écoute l'autre."