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La féminisation des syndicats: en progrès, mais peut mieux faire

Davantage d'adhérentes, une culture "moins macho", mais encore la part belle aux hommes pour les postes clés: la féminisation des syndicats progresse, mais le travail n'est "pas terminé" et la situation reste "nuancée".

Dans une récente tribune dans Libération, Murielle Guilbert, co-déléguée de Solidaires a lancé ce cri du coeur: "Je ne veux plus être la seule femme sur la photo !".

Elle avait été "interpellée fortement" après une image la montrant avec les huit autres responsables de l'intersyndicale bataillant contre la réforme des retraites (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, Unsa, FSU et Solidaires) - tous des hommes -, a-t-elle expliqué à l'AFP.

Une affiche qui devrait bientôt changer, avec une candidate pour succéder à Philippe Martinez à la CGT, Marie Buisson et peut-être deux avec Céline Verzeletti, alors que côté CFDT, Marylise Léon est souvent citée pour prendre prochainement la relève de Laurent Berger.

Avoir une femme à la tête de la CGT après l'homme à la moustache, serait une première en 127 ans d’existence, tandis qu'à la CFDT, Nicole Notat (1992 à 2002) a été la première à diriger une grande centrale.

Mais "le choix de la ou du numéro un ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt des inégalités femmes/hommes dans les organisations syndicales", prévient l'économiste Rachel Silvera.

Nicole Notat notamment, "ne portait pas réellement les questions d’égalité comme un enjeu central", dit-elle, soulignant qu'avoir une femme en pole position n’est donc "pas le bon indicateur".

Il faut voir "d’abord, où sont les femmes dans toutes les structures: les instances dirigeantes (bureaux, commissions exécutives), mais aussi les grandes Unions départementales (UD)", fédérations et "au plus près" dans les entreprises.

Or, sur ce plan "on est à mi-chemin", dit cette spécialiste des questions d'égalité.

"On voit des avancées dans les instances de direction. La CGT affiche depuis 1999 la parité au sommet, la CFDT tend aussi à la parité", tandis que côté FO, "on défend l’égalité au travail, par contre tout ce qui est égalité interne est un peu tabou".

- En "sandwich" -

Mais pour toutes les organisations, "dès que vous descendez dans les vrais lieux de décision, les UD ou fédérations, on est plutôt entre 20 et 30% de femmes en moyenne", avec même certaines avec "zéro", pointe l'économiste.

La sociologue Cécile Guillaume utilise l'image du "sandwich" avec une féminisation qui s’est faite "par le bas", notamment grâce à la loi Rebsamen de 2015 qui prévoit des listes paritaires pour les élections professionnelles, et "par le haut" dans certaines confédérations.

Entre les deux, "il y a les points de blocage habituels: on va retrouver des militants aguerris, plutôt vieillissants qui tiennent des positions", dit-elle.

"Là où on doit encore progresser c’est sur les niveaux intermédiaires", confirme Béatrice Lestic, en charge des questions d'égalité à la CFDT. "Le travail n’est pas terminé, mais il y a une volonté", dit-elle.

"Ça progresse mais trop lentement", dit aussi Sophie Binet, son homologue à la CGT. Depuis 2014, l’organisation fait un état des lieux "à tous les niveaux" qui permet "de se regarder dans le miroir et d’avoir des outils d’impulsion", dit-elle.

Cécile Guillaume observe "une vraie féminisation des adhérents, y compris à la CGT", où elles sont désormais 39%.

Mais ce n’est pas forcément facile pour elles "de prendre des mandats" car avec les responsabilités professionnelles et familiales, "c’est un peu la triple charge".

En outre, la fusion des instances de représentation du personnel avec la création des CSE "vient un peu contrecarrer" la féminisation avec des mandats "très lourds".

Il y a, dit-elle, "une conjonction assez paradoxale avec d’un côté la loi Rebsamen, les quotas par le haut, des cultures syndicales quand même moins macho" et de l'autre des facteurs "qui viennent entraver les efforts". Donc une situation "un peu nuancée".

La culture syndicale joue aussi, note Mme Silvera. La CGT reste "marquée par un certain ouvriérisme": les luttes des femmes sont "souvent moins visibles et incarneraient moins le vrai syndicalisme". Même si les choses avancent, "il faut être encore un militant disponible… si possible moustachu", sourit-elle.

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