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Une demande formelle d'autorisation a été déposée pour la création à Bure (Meuse) du centre Cigéo de stockage des déchets les plus radioactifs, une nouvelle étape importante pour ce projet contesté qui ne pourra toutefois pas obtenir son feu vert avant encore plusieurs années.
L'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) a officiellement déposé auprès du gouvernement sa demande d'autorisation de création, lançant ainsi une longue phase d'instruction par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), a-t-elle annoncé mardi.
Le projet vise à enfouir, à 500 mètres sous terre, au moins 83.000 m3 des déchets les plus radioactifs du parc nucléaire français, d'ici 2035-2040. En cas de feu vert, la construction démarrerait vers 2027.
"C'est une étape importante", a salué Pierre-Marie Abadie, directeur général de l'Andra, auprès de l'AFP. "Maintenant on va rentrer dans les enjeux de la démonstration de sûreté et de l'autorisation de création proprement dite".
La déclaration d'utilité publique de Cigéo, qui fait l'objet d'un recours d'opposants devant le Conseil d'Etat, avait été prononcée en juillet, validant le principe du stockage géologique et l'importance d'un projet évalué à 25 milliards d'euros sur 150 ans.
Le dossier de 10.000 pages doit répondre à divers risques: incendie, chutes de colis, défaillance de la couche argileuse censée emprisonner les éléments radioactifs...
L'instruction complète devrait durer "de l'ordre de cinq ans": une trentaine de mois pour la partie technique, une enquête publique vers 2026, avant le décret de création l'année suivante.
Pour l'instant, le site est à l'état expérimental, avec un laboratoire creusé lui aussi à 500 mètres de profondeur depuis une vingtaine d'années.
Différents collectifs écologistes et anti-nucléaires s'opposent toutefois au projet et combinent occupation, manifestations et batailles juridiques.
Le Collectif contre l'enfouissement des déchets radioactifs (Cedra) estime mardi que "le gouvernement piétine la loi de 2015 fixant une réduction de la part du nucléaire". "Le rapport de force n'en sera que plus déterminé et redoutable", menace-t-il.
Pour la coordination Cigéo/Bure STOP, la demande d'autorisation "s'inscrit sans aucun doute dans la volonté du gouvernement de presser la construction d'un nouveau parc nucléaire".
"Cacher ces déchets dangereux, sans réversibilité ni contrôle à long terme, n'est pas du tout une solution", affirme Greenpeace, qui prône de les conserver à faible profondeur, pour être extraits à tout moment dans l'éventualité d'une solution technique.
Mais, objecte Pierre-Marie Abadie, un tel "entreposage de longue durée n'apporte pas une protection passive indépendante de la réintervention régulière de nos sociétés, et donc cela fait courir un risque aux générations futures".
- Six EPR en plus -
L'idée de s'en remettre à la géologie - une couche de roche argileuse - repose au contraire sur une protection passive sur des millénaires, indépendamment de l'évolution des sociétés humaines, avancent les promoteurs de cette solution, qui a été retenue par d'autres pays comme la Finlande ou la Suède.
"Les sociétés futures peuvent être moins riches, plus chaotiques et moins en capacité de contrôler des entreposages de long terme: il est plus sûr d'avoir un stockage profond", avance M. Abadie.
Cigéo doit par ailleurs être conçu pour être réversible tout au long de son exploitation, pendant au moins 100 ans, avant sa fermeture, ce qui doit permettre notamment de sortir les déchets si une nouvelle solution technique se profile.
Ce sera à l'horizon 2150 que le stockage devrait être fermé définitivement. A ce moment-là, "on remblaie toutes les galeries avec les matériaux argileux excavés" puis "on scelle l'installation", explique Frédéric Plas, directeur du projet Cigéo.
Lancé en 1991, le projet Cigéo a d'abord été pensé pour les déchets du parc actuel, aujourd'hui entreposés à La Hague et d'autres sites nucléaires à travers la France, et ne prend donc pas en compte les six nouveaux réacteurs EPR dont le gouvernement soutient la construction.
Mais l'exécutif estime qu'il n'y a pas "d’éléments rédhibitoires" à l'accueil à Bure de déchets supplémentaires.
"En termes de quantité, l'impact est assez limité, et en termes de sûreté et d'exploitation cela ne change rien, car ce sont les mêmes déchets", souligne Pierre-Marie Abadie.
"Comme on a beaucoup d'argile et beaucoup de place, il n'y a pas de point rédhibitoire" même si la durée d'exploitation du site devrait être allongée de "quelques dizaines d'années".