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Au procès de l'affaire Griveaux, "liberté artistique" et "terreur 2.0"

"Liberté artistique" et "terreur 2.0": l'artiste russe Piotr Pavlenski et sa compagne Alexandra de Taddeo ont comparu au tribunal de Paris mercredi, plus de trois ans après la diffusion des vidéos intimes qui ont entraîné la chute de Benjamin Griveaux, lors d'une audience parfois surréaliste.

Le tribunal a mis sa décision en délibéré au 11 octobre après plus de dix heures d'un procès au cours duquel le parquet a requis six mois d'emprisonnement ferme à l'encontre de l'artiste de 39 ans et six mois avec sursis contre l'étudiante de 32 ans. La défense a plaidé la relaxe.

Retardé par les embouteillages selon leurs avocats, les prévenus sont arrivés vers 10H30 au tribunal, lui tout de noir vêtu, elle en longue robe bleue à sequins, tenant à la main le livre qu'elle vient de publier.

"L'art contemporain détruit les zones de confort", a notamment déclaré à la presse M. Pavlenski, ajoutant que la "liberté artistique" devait être "la plus grande valeur", avant de s'engouffrer dans la salle d'audience pleine à craquer.

La présidente, qui avait débuté l'audience sans eux, les a appelés à la barre. "Aujourd'hui aura lieu le jugement de mon huitième événement d'art sujet-objet, l'événement pornopolitique...", a commencé le Russe d'une voix caverneuse.

Répétant qu'il s'agissait pour l'instant de décliner leur identité, la présidente a tenté de l'interrompre à plusieurs reprises, sans succès, avant de suspendre l'audience, alors que des applaudissements retentissaient.

A la reprise, Piotr Pavlenski a invoqué son droit au silence. Le tribunal a alors débuté l'examen du dossier, en visionnant, à huis clos, des extraits des vidéos de masturbation au cœur du procès.

- "Art contemporain" -

Ces images avaient été envoyées à Alexandra de Taddeo lors d'une brève relation avec Benjamin Griveaux entre mai et août 2018. Elles avaient été diffusées le 12 février 2020 sur un site baptisé "Pornopolitique", avec un texte dénonçant "l'hypocrisie dégoûtante" d'un candidat LREM à la mairie de Paris faisant "la propagande des valeurs familiales traditionnelles".

A la barre, Alexandra de Taddeo, aujourd'hui étudiante en histoire de l'art, a affirmé que depuis "40 mois", sa parole avait été "manipulée, ridiculisée". Déclarant avoir "tout exprimé" dans son "roman autobiographique", elle a ajouté n'avoir "à aucun moment voulu piéger" Benjamin Griveaux.

Les juges d'instruction ont conclu à son "implication directe" dans la publication des vidéos, mais elle a maintenu que Piotr Pavlenski l'avait fait à son insu, tout en "soutenant" a posteriori cet "évènement" d'un "très grand artiste contemporain".

La prévenue a refusé de répondre aux avocats de Benjamin Griveaux, 45 ans, absent de l'audience. Les conseils de l'ancien ministre ont tout de même posé leurs questions, pendant de longues minutes tendues. Sans réponse.

Trois comédiens, cités par Piotr Pavlenski, ont ensuite déclamé des extraits de la pièce "Tartuffe" de Molière, face à l'agacement croissant de la présidente.

Une conservatrice a expliqué exposer actuellement une oeuvre de l'artiste à Amsterdam. Faisant un parallèle avec Gustave Courbet, Carrie Pilto a affirmé: "questionner les codes normatifs est l'une des forces et fonctions de l'art contemporain".

- "Puritanisme" -

"Certains confondent ce procès avec un spectacle, d'autres avec le festival de Cannes", a ironisé l'avocat de Benjamin Griveaux.

Me Richard Malka a appelé à "protéger" la vie privée, "ce pilier de notre civilisation". "En réalité, le modèle qu'ils réclament, c'est la terreur 2.0 aux mains des plus violents", a-t-il lancé. "L'art n'a jamais été un instrument de délation pour détruire des vies, un instrument totalitaire, de puritanisme".

"N'importe quelle action ne peut être commise au nom de la liberté d'expression", ont estimé les procureures, rappelant que Piotr Pavlenski avait déjà été condamné en 2019 à un an de prison ferme pour avoir incendié la façade de la Banque de France à Paris - là aussi un "évènement" artistique revendiqué.

L'avocate de Mme de Taddeo, Me Noémie Saidi-Cottier, a rappelé au tribunal la présomption d'innocence, soutenant qu'il n'existait pas de "preuve" pour la condamner.

Critiquant une "enquête scandaleuse" et des "éléments invoqués pour venir polluer un dossier", Me Yassine Bouzrou, conseil de Piotr Pavlenski, a invoqué les principes de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), demandant au tribunal de se "baser uniquement sur les faits".

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