Partager:
Comme chaque jour, les habitants restants de Bakhmout, à l'épicentre des combats dans l'est de l'Ukraine, affluaient vendredi vers un centre de distribution d'aide humanitaire, cherchant désespérément de la nourriture et un accès à internet.
Et comme chaque jour, les tirs d'artillerie se poursuivaient de chaque côté du front, malgré le cessez-le-feu décrété unilatéralement à partir de midi par le président Vladimir Poutine, à l'occasion du Noël orthodoxe.
Sirotant du thé et mangeant des nouilles autour d'un poêle à bois, les habitants de Bakhmout, principalement des personnes âgées, racontent ne pas être étonnés de la poursuite des combats autour de cette ville en ruines après des mois de bombardements, parmi les pires de la guerre depuis son début en février.
"Il y a déjà eu beaucoup de déclarations fracassantes de la part des Russes, mais ils n'ont jamais tenu leurs promesses", constate Tetiana Chtcherbak, 51 ans, une bénévole présente au centre d'aide humanitaire.
"Je veux lancer un appel à toutes les mères russes : N'avez-vous pas besoin de vos maris ? N'avez-vous pas besoin de vos fils ? Emmenez-les loin de nous !", clame cette femme.
Les journalistes de l'AFP ont entendu des duels d'artillerie pendant plus d'une heure après l'entrée en vigueur théorique de la trêve russe vendredi, même si leur intensité était moindre par rapport aux journées précédentes.
Les rues de Bakhmout étaient en grande partie désertées, exception faite des véhicules militaires.
Le soldat Volodymyr Morozov explique qu'il n'était même pas au courant de l'appel à un cessez-le-feu de Vladimir Poutine, qui coïncide avec le Noël orthodoxe fêté samedi.
"Je ne regardais pas les informations avant et je ne les regarde pas non plus maintenant. Les seules nouvelles qui m'intéressent sont celles qui concernent mes camarades", lance ce militaire.
- "Je reste avec ma ville" -
Les forces russes comme ukrainiennes ont subi de lourdes pertes dans la bataille pour Bakhmout, qui dure depuis l'été. La plupart de ses 70.000 habitants d'avant-guerre l'ont quittée, laissant derrière eux des bâtiments réduits à des décombres et des morceaux de métal tordus.
Certains, pourtant, sont restés. Une source de frustration pour le policier Pavlo Diatchenko, qui a passé la journée de vendredi à distribuer des tracts incitant à trouver refuge à Tchernivtsy, dans l'ouest de l'Ukraine.
"Presque personne ne veut y aller", hormis une femme avec sa fille et une famille avec trois enfants et un chien, partis quelques jours auparavant, déplore-t-il.
Il espère que d'autres feront ce choix, si les températures baissent encore.
Volodymyr, un employé municipal de 49 ans qui s'est rendu au centre d'aide avec sa fille de 14 ans, dit qu'il n'a pas l'intention de quitter Bakhmout, que la trêve soit respectée ou non.
"S'il y a un cessez-le-feu, alors ce sera calme pendant 36 heures. Rien de plus", affirme-t-il. "Je ne peux pas quitter la ville - je l'aime... Je reste avec ma ville."
- "De la chaleur humaine" -
Le centre d'aide humanitaire offre un rare endroit aux habitants de Bakhmout pour échapper à leurs caves où ils passent leurs journées.
"Ils viennent ici pour socialiser et communiquer, pour se reposer face au stress constant", explique le bénévole Denys Mouratchov.
Vendredi, le centre organisait une célébration improvisée du réveillon de Noël avec des encas et des sucreries. Dans un coin, un arbre de Noël habillé de guirlandes et de lumières.
La bénévole Tetiana Chtcherbak regrette de ne pouvoir servir de la vodka faite maison, comme en temps de paix. Néanmoins, "nous donnons aux gens de la chaleur humaine, autant que nous le pouvons".
Avec des dizaines d'habitants de Bakhmout réunis autour d'une table, elle se lance dans des voeux de Noël, tentant de se faire entendre malgré le vacarme des tirs d'artillerie qui résonnent à l'extérieur.
Derrière elle, une télévision muette montre des images de la bataille.
"Comme vous le savez, Noël est une période de salut. Nous vous souhaitons le salut", s'exclame-t-elle.
Faisant un geste vers la table sur laquelle sont empilés des mandarines, des pommes et des biscuits, elle ajoute : "Nous avons fait tout ce que l'on a pu".