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"Aujourd'hui plus personne ne met les pieds ici": un an après l'adoption de sanctions européennes contre Moscou, en représailles à l'offensive en Ukraine, l'immense salle d'exposition de fourrures de Kastoria, dans le nord-ouest de la Grèce, est déserte.
Et la riche clientèle russe, amatrice de manteaux en visons onéreux mais décriés par les défenseurs des animaux, a disparu.
Un fauteuil doré en forme de trône devant un miroir domine la salle où sont exposées les créations des artisans de la région de Kastoria: "Des femmes russes vêtues de leurs fourrures toutes neuves y posaient comme des tsarines", raconte à l'AFP un employé.
"Mais aujourd'hui plus personne ne met les pieds ici", déplore cet homme qui a requis l'anonymat.
Réputées pour la production de fourrures depuis le XVème siècle, les villes de Kastoria et Siatista, en Macédoine occidentale, ont dû suspendre leurs activités commerciales avec la Russie après l'imposition de sanctions contre Moscou.
La fourrure est en effet considérée comme un produit de luxe dont l'exportation vers la Russie est désormais prohibée.
En 2019, avant la pandémie de Covid-19, les exportations atteignaient 108 millions d'euros, dont 44,7 millions pour la seule Russie, détaille Akis Tsoukas, président de la Fédération grecque de la fourrure.
Selon une étude d'Ernst and Young, en 2008, la Grèce détenait 25% du marché russe de la fourrure, mais ce chiffre était déjà tombé à 2% en 2017, selon l'étude.
La guerre en Ukraine, déclenchée il y a un an le 24 février 2022, est venue accentuer ce déclin dans ce coin septentrional de Grèce qui jouxte l'Albanie et la Macédoine du Nord.
L'an dernier, les exportations sont "tombées à zéro", se désole M. Tsoukas qui a dû mettre en disponibilité 80% du personnel de son entreprise, soit 52 personnes.
Depuis des années déjà, l'activité dans la région souffre. L'arrêt de l'utilisation de fourrure animale est une demande des consommateurs en Europe notamment, portée par les associations de protection du bien-être animal.
- Manteau de vison -
Or environ 80% des habitants de Siatista et des villages proches vivent de cette industrie, souligne le maire de la municipalité de Voio, Christos Zefklis.
"Mon père était fourreur et j'ai appris le métier très jeune mais le coronavirus et la guerre nous ont anéantis", déplore Apostolis Gravas, 47 ans, chef d'une entreprise familiale à Siatista.
Un manteau de vison peut se vendre 1.000 euros pour les moins chers et grimper jusqu'à 200.000 euros pour les pièces les plus rares.
Il y a quelques années, 1,8 million de visons étaient élevés dans la région. Les prévisions pour 2023 ne sont que d'un million de bêtes, affirme Miltos Karakoulakis, porte-parole de l'association panhellénique des éleveurs d'animaux à fourrure.
Et des 92 élevages de la région, il n'en reste que 60 aujourd'hui.
La moitié des 4.000 artisans de la fourrure dans la région ont été contraints de se reconvertir mais la "transition vers un nouveau modèle économique s'avère très coûteuse", relève Christos Zefklis.
Certains fourreurs soulignent la nécessité de se diriger vers d'autres marchés américains, chinois, japonais et coréens.
- Travailler en Russie -
Des artisans locaux ont également décidé d'exporter leur savoir-faire et vont travailler en Russie pour quelque temps.
"Nous sommes dans le désespoir, c'est pourquoi j'ai cherché du travail en Russie comme beaucoup des collègues", affirme Apostolis Gravas.
Maria Fotis, qui travaille dans le secteur depuis 1979, assure que les Russes cherchent des travailleurs expérimentés.
"Comme ils ne peuvent plus acheter en Grèce, ils produisent et vendent de la fourrure là-bas", selon cette quadragénaire qui opère désormais dans un atelier à Tcheliabinsk, dans l'Oural, où six des huit employés sont grecs, selon elle.
Mais avec un visa d'une durée de trois mois "on ne peut pas rester longtemps", regrette-t-elle.
Certains professionnels tentent de rester à flot en cherchant à diversifier leur production alors que l'exploitation des visons est dénoncée par les défenseurs de la cause animale.
La fabrication des produits de cuir d'agneau, "plus acceptable" d'un point de vue éthique, est une solution estime Stelios Porporis, directeur marketing d'une entreprise qui n'emploie actuellement que 70 personnes contre 500 par le passé.