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Destinée à améliorer la disponibilité des médicaments dans l'UE et les rendre plus abordables, une réforme européenne clé accumule les retards, suscitant l'inquiétude d'eurodéputés et des ONG de patients et consommateurs face au lobbying de l'industrie pharmaceutique.
"Nous n'avons plus de temps pour les jeux de lobby, les citoyens non plus", a fustigé l'eurodéputé allemand Tiemo Wölken (Socialistes & Démocrates).
La proposition, révisant une législation vieille de vingt ans, sera présentée le 26 avril, assure désormais la Commission européenne, après avoir repoussé sa publication à plusieurs reprises.
La commissaire à la Santé, Stella Kyriakides, a justifié le dernier report la semaine passée devant les députés européens par la nécessité de "trouver un juste équilibre" entre l'intérêt du public (des médicaments disponibles partout dans l'UE, à des prix raisonnables) et le "soutien" à une industrie pharmaceutique européenne "compétitive" et "innovante".
Cette dernière, représentant quelque 840.000 emplois directs en Europe, est vent debout contre la proposition, dont une version a fuité en février, de réduire la période pendant laquelle une entreprise jouit de l'exclusivité sur un médicament.
La Fédération européenne des associations et industries pharmaceutiques (EFPIA) y voit une menace pour la recherche et développement en Europe, face à la concurrence des Etats-Unis et de l'Asie.
"Consternée" par le dernier report, l'eurodéputée française Véronique Trillet-Lenoir (Renew Europe, centristes et libéraux) déplore "une asymétrie d'influence" entre l'industrie et la voix des patients.
"Il y a des pénuries de médicaments partout dans l'UE, des porteurs de maladies rares et des enfants qui attendent de nouveaux médicaments", tempête-t-elle.
Les élus s'inquiètent de voir ces retards mettre en péril l'adoption de la réforme avant les élections européennes de 2024.
- 'Résister' aux 'Big Pharma' -
"La Commission pousse la patience de tous à ses limites. Elle doit publier cette réforme le 26 avril, résister à la grande opération de lobbying des +Big Pharma+ pour l'édulcorer, et améliorer l'accès de la population aux médicaments", exhorte Monique Goyens, la directrice du Bureau européen des unions de consommateurs (Beuc).
Dans un souci de les rendre plus abordables, la Commission prévoyait dans la version provisoire de la réforme de réduire de dix à huit ans la période de protection des données et d'exclusivité commerciale sur un médicament, pendant laquelle la mise sur le marché de génériques, moins chers, est impossible.
Un allongement d'un an de cette période serait possible pour les médicaments correspondant à des "besoins de santé non satisfaits" mais aussi pour les médicaments commercialisés dans l'ensemble de l'UE, alors que les industriels préfèrent généralement cibler les pays en fonction de la taille de leur population et du niveau de prix pratiqué. Une incitation destinée à s'attaquer aux inégalités d'accès aux nouveaux médicaments au sein de l'Union -les pays baltes et certains Etats de l'Est étant particulièrement mal lotis.
Faisant écho aux préoccupations de l'industrie, trois eurodéputés allemands, Peter Liese, Daniel Caspary et Christian Ehler, issus du même parti (CDU, conservateurs) qu'Ursula von der Leyen, lui ont écrit pour l'avertir que réduire la période d'exclusivité "aurait un effet négatif sur l'innovation, et donc sur les patients".
Par ailleurs, face à la résistance aux antibiotiques qui constitue une menace mondiale croissante, pour encourager les laboratoires pharmaceutiques à développer de nouveaux antibiotiques -dont la mise au point s'avère peu lucrative, puisqu'ils sont voués à un usage modéré-, la Commission envisage un système controversé de bons d'exclusivité transférables.
Il s'agit de permettre à une compagnie, en échange du développement d'un nouvel antibiotique, d'étendre la durée pendant laquelle elle a l'exclusivité sur la vente d'un autre produit plus rémunérateur, ou de revendre ce bon à une autre compagnie. Une idée à laquelle sont opposés 14 des 27 Etats membres (dont la France, la Belgique et les Pays-Bas).
"C'est l'une des options actuellement envisagées (...) mais si nous la proposons, elle sera encadrée de conditions extrêmement strictes afin de minimiser l'impact en terme de coût pour les systèmes de santé", a assuré Stella Kyriakides.
Bruxelles veut aussi "des procédures d'autorisation de mise sur le marché plus rapides et plus simples", comme celles qui ont été appliquées aux vaccins anti-Covid. Elle souhaite également contraindre les compagnies à la transparence sur leurs stocks et à signaler suffisamment à l'avance toute rupture d'approvisionnement.