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Un suspect clef dans l'enquête sur le naufrage qui a coûté la vie à 27 migrants dans la Manche en novembre 2021 a été mis en examen et incarcéré samedi en France, après avoir été extradé vendredi du Royaume-Uni.
Dix autres passeurs présumés majoritairement afghans ont déjà été mis en examen, ainsi que sept militaires pour non-assistance à personne en danger, dans cette affaire où autorités françaises et britanniques se sont renvoyées la responsabilité du drame qui s'est scellé cette nuit-là sur une embarcation de fortune.
Le dernier mis en cause, Harem Ahmed Abwbaker, 32 ans, est un "membre important" du groupe criminel à l'origine de la traversée fatidique, selon l'agence britannique de lutte contre la criminalité organisée (NCA).
Arrêté le 29 novembre au Royaume-Uni, il a été extradé vendredi vers la France, a indiqué lundi la NCA.
Samedi, il a été mis en examen par un juge d'instruction parisien et placé en détention provisoire, a indiqué lundi une source judiciaire à l'AFP. Contacté, son avocat n'était pas joignable dans l'immédiat.
Les investigations en France sont menées par la Juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (Junalco) du tribunal judiciaire de Paris.
L'information judiciaire a été ouverte pour homicide involontaire et mise en danger, les deux "par violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité". L'enquête porte également sur l'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour irrégulier en bande organisée ou encore sur des soupçons de participation à une association de malfaiteurs.
- "Tu seras pas sauvé" -
Dans la nuit du 23 au 24 novembre 2021, 27 migrants, âgés de 7 à 46 ans, avaient péri dans le naufrage de leur bateau pneumatique au large de Calais, alors qu'ils tentaient de rejoindre l'Angleterre. Deux passagers seulement avaient pu être secourus.
"LA NCA travaille étroitement avec nos partenaires français pour enquêter sur cette tragédie", a déclaré dans un communiqué le directeur adjoint de la NCA, Craig Turner, soulignant la détermination de son service à "obtenir justice pour les familles de ceux qui ont perdu la vie".
Les autorités françaises sont soupçonnées d'avoir été appelées à l'aide à une quinzaine de reprises et de ne pas avoir porté secours aux migrants, venus du Kurdistan irakien, Kurdistan iranien, d'Afghanistan, d'Ethiopie, de Somalie, d'Egypte et du Vietnam.
A ce jour, sept militaires - cinq du Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage Gris Nez (Cross) et deux membres d'équipage du patrouilleur "Le Flamant" - ont été mis en examen à Paris et laissés libres à l'issue de leur interrogatoire.
Dans une conversation téléphonique la nuit du drame avec le Cross, dont l'AFP a eu connaissance, un migrant a notamment appelé à l'aide: "Au secours s'il vous plaît (...) je suis dans l'eau". "Oui, mais vous êtes dans les eaux anglaises Monsieur", lui a répondu son interlocutrice. "Non, non pas les eaux anglaises, les eaux françaises, s'il vous plaît pouvez-vous venir vite", a-t-il encore supplié, avant que la conversation ne soit coupée.
"Ah bah, t'entends pas, tu seras pas sauvé. +J'ai les pieds dans l'eau+, bah je t'ai pas demandé de partir", a alors dit l'opératrice.
Cette dernière, auditionnée par les enquêteurs, a nié toute responsabilité selon Le Monde, qui a pris connaissance de son audition. "J'ai obéi aux ordres, (…) j'ai donné le meilleur, (…) je ne pense pas avoir une part de responsabilité dans ce qui s'est passé", s'est-elle défendue selon le journal dans un article à la mi-mai.
Toujours d'après Le Monde, les enquêteurs soupçonnent les militaires d'avoir eu pour "stratégie" de "jouer la montre" en laissant dériver l'embarcation vers les eaux anglaises, afin que leurs homologues engagent leurs propres moyens de sauvetage.
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