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Maison d'élue ou mairies incendiées: en Corse, après une multiplication d'incendies de résidences secondaires, des groupes clandestins indépendantistes s'attaquent désormais à des élus insulaires, suscitant l'incompréhension, mais sans condamnation formelle des élus nationalistes.
Dernier épisode en date, lundi matin, la maison de famille de Simone Guerrini, suppléante du sénateur LR de Corse-du-Sud Jean-Jacques Panunzi et adjointe à la culture du maire (DVD) d'Ajaccio, a été fortement endommagée par un incendie criminel à Ajaccio.
Des tags "GCC", pour Gjhuventu clandestina corsa ("Jeunesse clandestine corse"), un groupe clandestin qui a annoncé sa création début février, et "Speculatori Fora" (la spéculation dehors, ndlr) ont été inscrits sur la façade.
Ce même groupe avait revendiqué les incendies criminels des mairies d'Afa et Appietto, en périphérie d'Ajaccio, fin mars. "Nous mettons en garde (...) les élus officiels profitant de la richesse de l'île à leur profit et seulement le leur", déclarait alors ce mystérieux groupe dans un communiqué.
Un nouveau texte, transmis à Corse-Matin mardi, est venu renforcer la confusion en assurant que ce précédent communiqué du 30 mars était le fait "d'usurpateurs".
Cette cacophonie conduit la Ligue des droits de l'Homme de Corse à "s'inquiéter du risque de rivalité entre organisations clandestines", un phénomène qui, dans les années 90, avait conduit les nationalistes à se déchirer dans une lutte fratricide, avec une vingtaine de morts au sein des différentes mouvances clandestines.
"Nous pensons qu'il y a plusieurs groupuscules" agissant "un peu comme des franchisés, avec des secteurs géographiques spécifiques", a indiqué à l'AFP une source proche de l'enquête.
Le nouveau texte signé GCC transmis mardi, mais non daté, ne mentionne pas l'incendie de la maison de l'élue ajaccienne de droite, mais revendique par contre les incendies des mairies, expliquant que ces actes visent à "attaqu(er) directement l'Etat et les élus nationalistes qui n'ont su tenir leurs promesses".
Problème, les maires visés ne sont pas nationalistes, ce qui interroge sur les cibles choisies. Sont-elles le fruit d'erreurs, de règlements de comptes personnels ou de réelles actions politiques ?
- "Stop au béton" -
La maison de Mme Guerrini "est en possession de cette famille depuis 40 ans. Il n'y a aucune spéculation", a également rappelé le député Horizons Laurent Marcangeli, ex-maire d'Ajaccio.
"Si la lutte vise la spéculation immobilière, comme ils l'affirment dans leurs tags et communiqués, il est surprenant de voir certaines communes, où les constructions vont à un rythme effréné, être épargnées", glisse à l'AFP un enquêteur, en notant également que les promoteurs immobiliers associés, de près ou de loin, à des bandes criminelles, n'ont pas été touchés.
Le maire d'Appietto, François Faggianelli, s'indignait ainsi d'un des tags sur sa mairie, "Béton Bast" ("stop au béton" en corse, ndlr): "la commune a accordé deux permis (de construire) en 2020 et un seul en 2021, tout le reste a été refusé", a-t-il précisé à l'AFP.
Gérant d'une entreprise de BTP, M. Faggianelli avait déjà vu deux pelles mécaniques de son entreprise incendiées en décembre sur un chantier à Alata, un village voisin, avec les inscriptions "Béton Basta", "IFF" (I Francesi Fora, "les Français dehors", ndlr) et "GCC".
Un rassemblement populaire avait alors été organisé en soutien à cet artisan corse qui assurait n'avoir "jamais rencontré ce type de problème, ni en tant que promoteur, ni en tant qu'élu. Je n'ai pas de souci non plus avec mes concurrents".
Si le soutien aux maires a été unanime, la condamnation des faits, elle, ne l'a pas été.
Les groupes nationalistes - autonomistes et indépendantistes - se sont ainsi abstenus de voter à l'Assemblée de Corse une résolution solennelle du groupe de droite Un Soffiu Novu qui condamnait ces faits. L'exécutif autonomiste a ensuite présenté sa propre résolution, apportant un soutien aux maires visés, sans condamnation des actes.
Mercredi, le collectif antimafia "A Maffia No, A Vita ié" a appelé "la GCC et le Front de libération nationale de la Corse (FLNC) à abandonner une violence qui fait le jeu de la mafia", souhaitant un "renforcement de la mobilisation citoyenne".