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Vincent Bolloré a-t-il frauduleusement aidé les campagnes présidentielles 2010 de Faure Gnassingbé au Togo et d'Alpha Condé en Guinée en échange de contrats dans ces pays ? Le Parquet national financier (PNF) requiert un procès contre le tout puissant industriel breton, notamment pour corruption.
Saisie depuis 2013, la justice soupçonne le groupe Bolloré d'avoir utilisé les activités de conseil politique de sa filiale Euro RSCG (devenue Havas) pour décrocher frauduleusement la gestion des ports de Lomé (Togo) et Conakry (Guinée), au bénéfice d'une filiale phare de l'époque, Bolloré Africa Logistics.
Pour éviter un long procès pénal, la 11e fortune de France ainsi que Gilles Alix, directeur général du groupe Bolloré de l'époque, et Jean-Philippe Dorent, directeur international chez Havas, avaient sollicité une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC).
Lors de l'audience publique en février 2021, ils avaient reconnu les faits et accepté une peine de 375.000 euros d'amende, mais la juge Isabelle Prévost-Desprez avait refusé de l'homologuer, renvoyant le dossier à l'instruction.
Elle avait en revanche homologué une convention judiciaire d'intérêt public (Cjip) pour le groupe Bolloré, qui avait payé 12 millions d'euros d'amende contre l'abandon des poursuites.
L'industriel breton, 72 ans, avait contesté jusqu'en cassation ce revers procédural, une grave atteinte à sa présomption d'innocence d'après lui, mais la plus haute juridiction judiciaire a validé fin novembre la procédure, ouvrant la voie à un nouveau procès pénal. Un recours est déposé devant la CEDH.
Lundi, selon une source proche du dossier à l'AFP, le PNF a requis un procès pour corruption active d'agent public étranger contre le milliardaire conservateur et M. Alix, pour abus de confiance pour ce dernier et complicité de celle-ci pour MM. Bolloré et Dorent.
D'après des éléments des réquisitions dont l'AFP a eu connaissance, les deux procureurs financiers estiment que "contrairement à ses déclarations, il apparaît que Vincent Bolloré suivait personnellement et régulièrement les activités du groupe au Togo, qu'il avait engagé le groupe Bolloré dans la campagne électorale de Faure Gnassingé et qu'il était directement intervenu dans le recrutement" de Patrick Bolouvi, demi-frère du président togolais, au poste de directeur général de Havas Media Togo.
- "Pacte de corruption" -
Contrepartie de ce "pacte de corruption" allégué, le groupe Bolloré aurait profité de différents contrats, dont celui de la gestion du port de Lomé, mais aussi "d'avantages fiscaux".
Le procès demandé par le PNF concerne aussi le soupçon de participation frauduleuse d'une filiale du groupe Bolloré aux "frais de communication" de la campagne présidentielle 2010 d'Alpha Condé en Guinée, à hauteur de 170.000 euros.
"Sa candidature présentait pour nous un grand intérêt. Vincent Bolloré était d'accord pour participer à ces dépenses", avait concédé M. Alix en garde à vue.
La cour d'appel de Paris avait prononcé en 2019 l'abandon des poursuites pour corruption sur ce volet, pour cause de prescription.
"Je me réjouis de cette demande de renvoi" dans ce "lourd dossier qui dure depuis 2013 (...) dans lequel est particulièrement mouillé le président du Togo" et dans lequel M. Bolloré "a tenté, à plusieurs reprises, de faire obstruction à la manifestation de la vérité", a indiqué Me Alexis Ihou, avocat du défunt Agbéyomé Kodjo et de Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson, candidats malheureux à la présidentielle de 2010 au Togo.
"Les associations Sherpa et Anticor se réjouissent de ce réquisitoire", a également indiqué Me Jérôme Karsenti, d'après qui "les avocats de Vincent Bolloré auront pris toutes les initiatives judiciaires et soulevé toutes les arguties juridiques pour échapper à son procès".
En 2022, le groupe Bolloré a vendu à l'armateur italo-suisse MSC sa branche logistique en Afrique, emblématique du groupe et qui employait plus de 20.000 personnes et concernait plus de 20 pays sur le continent africain.
Avocats de Vincent Bolloré et du groupe Bolloré, Mes Céline Astolfe et Olivier Baratelli ont indiqué qu'"une demande de non-lieu sera présentée (...), les faits étant contestés depuis le premier jour dans un dossier juridiquement vide."
Le "faux pas" de la non-validation de la CRPC en 2021 "prive définitivement les parties du droit à être jugées de manière impartiale et objective", d'après ces conseils.
La décision finale sur le procès revient au juge d'instruction financier Serge Tournaire.