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En se projetant, au cœur de l'été, sur l'échéance de 2027, Gérald Darmanin lance les hostilités au sein de la majorité pour la succession d'Emmanuel Macron, premier président empêché de se représenter par la Constitution.
Le calendrier s'accélère-t-il en Macronie ? Depuis la réélection du chef de l’État en 2022, son camp sait qu'il devra lui trouver un successeur, le président, à peine âgé de 45 ans, étant le premier à se voir appliquer l'interdiction d'accomplir plus de deux mandats consécutifs, mesure introduite dans la Constitution en 2008.
Sa succession, Emmanuel Macron "s'en fout, comme tout président de la République", affirme un de ses soutiens depuis 2017.
Mais lors d'un récent déplacement en Nouvelle-Calédonie, le président a tout de même dit tenir à ce que "celles et ceux qui [l']ont accompagné depuis maintenant six ans puissent prendre le relais". M. Macron était interrogé sur Édouard Philippe, son ancien Premier ministre avec qui les relations sont fraîches. "C'est un ami", a-t-il fait valoir.
Le maire du Havre, qui a créé son parti Horizons en 2021, ne dissimule pas ses ambitions présidentielles. Quant à l'autre allié, le président du MoDem François Bayrou, il n'a jamais renoncé à rien.
Jusqu'ici, les convenances étaient encore mieux observées à Renaissance, le parti du président qui, s'il a affirmé sa vocation à présenter un candidat en 2027, a prudemment remis le choix du mode de désignation à l'après-élections européennes de juin 2024. Une échéance souvent présentée dans la majorité comme la césure du quinquennat, avant laquelle la question de la succession élyséenne ne se poserait pas.
Un calendrier qui semble avoir volé en éclat avec les déclarations de Gérald Darmanin.
-"Espace populaire"-
"Ce qui m'inquiète maintenant, c'est ce qui se passera en 2027", a planté, dans les colonnes du Figaro, le ministre de l'Intérieur, qui a annoncé, quelques jours après le remaniement de juillet, sa première grande rentrée politique dans son fief de Tourcoing (Nord).
Après le maintien d’Élisabeth Borne, "Darmanin a compris que ce serait compliqué pour lui d'être nommé par Macron à Matignon. Il ne veut pas rester sur cet échec. C'est pourquoi il signifie, avec son rendez-vous du 27 août, qu'il faut compter avec lui dans le club des présidentiables", décrypte un ancien de ses collègues.
"S'il veut créer un espace politique, c'est maintenant". Et M. Darmanin "a choisi l'espace populaire", abonde l'ancien communicant de Nicolas Sarkozy, Franck Louvrier (LR).
"J'ai été plutôt minoritaire pour l'instant sur l'importance de la question sociale mais j'espère que la boussole populaire que je propose sera un jour totalement entendue par la majorité", insiste Gérald Darmanin, qui évoque une proximité d'analyse avec les élus de gauche François Ruffin (LFI) et Fabien Roussel (PCF), comme pour mieux les opposer à "la gauche bobo-libérale" dûment représentée au gouvernement.
Et le ministre de l'Intérieur d'évoquer "des efforts" à demander "au capital, au patronat". Un quasi-tabou en Macronie.
Sur la forme, à Tourcoing, Gérald Darmanin n'a pas convié Élisabeth Borne. Mais "avec 400 invités, 90 parlementaires, des ministres de plein exercice et une dizaine de ministres délégués ou secrétaires d’État, il va montrer sa capacité à rassembler largement dans la majorité", annonce, enthousiaste, un parlementaire Renaissance, qui ne voit pas "comment ce nouveau gouvernement Borne peut durer plus de six mois."
Au passage, le ministre de l'Intérieur s'en prend à "la technique" et aux "techniciens", à leurs discours "que les Français ne comprennent pas toujours". Une incapacité à parler-vrai qui, à l'en croire, ouvrirait une voie royale à Marine Le Pen.
Un compliment qui peut s'adresser tant à la Première ministre qu'à une autre figure de Renaissance, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, comme lui venu de la droite et plutôt apprécié au sein du parti présidentiel. Le patron de Bercy effectuera sa rentrée en Haute-Savoie et dans les Hautes-Alpes le 24 août, trois jours avant Gérald Darmanin. Pas lors d'un grand raout de rentrée, mais dans le cadre de ses fonctions ministérielles.