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Emmanuel Macron et son gouvernement ont opté jeudi pour l'emploi du 49.3 sur la réforme des retraites, annoncé par Élisabeth Borne devant une Assemblée nationale en ébullition, un rebondissement majeur après deux mois de bataille parlementaire et d'opposition dans la rue.
Dans un chahut indescriptible, couvert par des "Marseillaise" chantées en boucle par la gauche, Élisabeth Borne a annoncé engager la responsabilité de son gouvernement sur cette réforme emblématique du second quinquennat Macron, faute d'être assurée d'un nombre suffisant de voix des députés de droite Les Républicains.
Sur TF1 jeudi soir, la Première ministre s'est dite "très choquée" par les huées des oppositions. "L'enjeu, c'est d'assurer l'avenir de notre système de retraites" et "ce n'est pas un enjeu personnel", a également assuré Mme Borne, dont la méthode est remise en question, moins d'un an après son arrivée à Matignon.
La cheffe du gouvernement assure avoir "tout mis en œuvre pour réunir une majorité" à l'Assemblée nationale sur la réforme des retraites
Emmanuel Macron a, lui, réservé ses explications au Conseil des ministres. "Mon intérêt politique et ma volonté politique étaient d'aller au vote. Parmi vous tous, je ne suis pas celui qui risque sa place ou son siège", a-t-il déclaré, selon un participant.
"Il y aura un vote sur le texte. Il est prévu par nos institutions: c'est la motion de censure", a également fait valoir le chef de l’État. Un argument repris jeudi soir par sa Première ministre.
Une perspective immédiatement confirmée par le Rassemblement national. "Nous allons évidemment déposer une motion de censure", a annoncé Marine Le Pen. Ses députés voteront également les motions venues d'autres groupes.
- Un "échec total" -
Ce 49.3, le 100e de la Ve République et le 11e de Mme Borne, est un "échec total" d'Emmanuel Macron et de sa Première ministre qui "ne peut pas rester" à Matignon, a jugé Mme Le Pen.
La présidente du groupe LFI Mathilde Panot a quant à elle évoqué une "motion de censure transpartisane", une prochaine saisine du Conseil constitutionnel par la Nupes, et un référendum d'initiative partagée "qui permet de bloquer la réforme pendant neuf mois". Jean-Luc Mélenchon a dénoncé un "effondrement de la minorité présidentielle."
A droite, le président de LR Éric Ciotti, qui avait scellé un accord début janvier avec Élisabeth Borne, a jugé "assez facile de faire porter aux Républicains cette responsabilité. Cet échec, il est celui d'une méthode", celle du gouvernement, "qui n'a pas fonctionné" et "n'a pas abouti à trouver une majorité".
Le patron de LR a assuré que les députés de son groupe ne voteraient aucune motion de censure. Mais le député Aurélien Pradié, en pointe parmi les frondeurs du parti, a dit qu'il "réfléchirait", avec plusieurs de ses collègues, à en voter une qui n'émanerait ni du RN, ni de la Nupes.
Le groupe des députés indépendants Liot a fait savoir que faute de retrait du projet et de démission du gouvernement, il déposerait une motion de censure transpartisane.
Ces motions doivent être déposées dans les 24 heures suivant le 49.3, donc vendredi, et ne peuvent être débattues que 48 heures après leur dépôt.
- Journée d'action le 23 -
Comment va réagir la rue après le déclenchement du 49.3? L'intersyndicale a appelé jeudi à "des rassemblements locaux de proximité" ce week-end et à une neuvième journée de mobilisation le jeudi 23 mars, dénonçant "la responsabilité que porte l'exécutif dans la crise sociale et politique" qui découle du 49.3, "véritable déni de démocratie".
Jeudi soir, les forces de l'ordre sont intervenues pour évacuer plusieurs milliers de manifestants qui s'étaient rassemblés place de la Concorde, non loin de l'Assemblée. D'autres manifestations ont éclos dans plusieurs villes de France.
Plusieurs responsables syndicaux dans les secteurs du transport et de l'énergie ont par ailleurs mis en garde contre de possibles "débordements" ou "actions individuelles" de salariés de la base.
- Dissolution ? "Chiche" -
Après avoir déclaré vouloir "tout faire" pour l'éviter, le président et sa Première ministre se sont donc résignés, après une succession de réunions de crise à Élysée, à faire adopter le texte sur les retraites sans vote positif de l'Assemblée.
Une forme d'échec pour Élisabeth Borne, qui a déployé de nombreux efforts depuis plusieurs mois pour tenter de nouer un accord avec la droite. Mais un nombre visiblement trop important de députés LR risquaient de manquer à l'appel.
Depuis des jours, les stratèges macronistes s'affairaient pour savoir s'ils disposaient d'une majorité sur le texte, tous les comptages montrant une marge de manœuvre extrêmement faible.
Un compromis, scellé mercredi entre députés et sénateurs en commission mixte paritaire, avait ouvert la voie à un vote dans les deux assemblées pour ce projet qui reporte à 64 ans l'âge de départ à la retraite. Compromis que le Sénat a, sans surprise, entériné par un vote jeudi matin, par 193 voix contre 114.
Mais les concessions accordées aux LR, notamment sur les carrières longues, n'ont pas dissipé les doutes sur les intentions de vote des députés de ce groupe indiscipliné.
L'annonce de ce 49.3 plonge la suite du quinquennat dans une grande incertitude. Mercredi, avant de se résigner à dégainer cette arme constitutionnelle, Emmanuel Macron avait d'ailleurs envisagé, en cas de vote et de défaite dans l'hémicycle, la possibilité d'une dissolution, selon des cadres de la majorité.
La dissolution ? "Chiche", a lancé Marine Le Pen.