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Après une neuvième journée de mobilisation jeudi, lors de laquelle les manifestants sont massivement descendus dans les rues et malgré un regain de violences et tensions, les syndicats poursuivent le bras de fer avec l'exécutif avec une nouvelle journée d'actions mardi pour obtenir le retrait de la très contestée réforme des retraites.
Au lendemain d'une intervention du président de la République qui a hérissé les opposants, la journée d'actions intersyndicale était la première organisée dans toute la France après l'adoption de la loi via l'arme constitutionnelle du 49.3.
Entre 1,089 million de manifestants (Intérieur) et 3,5 millions (CGT) ont défilé dans plus de 300 villes.
Alors que des échauffourées avaient toujours lieu notamment à Paris, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin pointant la responsabilité de "l'extrême gauche" dans les heurts et violences qui ont émaillé plusieurs défilés, a fait état peu avant 22H00 de 149 gendarmes et policiers blessés, et de 172 personnes interpellées en France. La Première ministre Elisabeth Borne a elle jugé "inacceptables" les "violences et dégradations".
Décidée à ne pas "tourner la page", l'intersyndicale a appelé en début de soirée à "une nouvelle grande journée de grèves et de manifestations mardi 28 mars partout dans le pays" et à des rassemblements syndicaux de proximité ce week-end.
Plus tôt, le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger avait salué un "regain de mobilisation" et appelé "à la non-violence", afin de "garder l'opinion jusqu'au bout".
A ses côtés, son homologue de la CGT Philippe Martinez avait estimé qu'Emmanuel Macron avait "jeté un bidon d'essence sur le feu" avec son interview, rappelant que les syndicats avaient écrit au chef de l'Etat pour l'alerter sur la "situation explosive" du pays.
A Paris, où la participation a atteint de nouveaux records, à la fois selon la CGT (800.000) et Beauvau (119.000), des violences ont rapidement éclaté en tête de cortège: pavés, bouteilles et feux d'artifice lancés sur les forces de l'ordre, vitrines et abribus brisés et feux de poubelles.
La préfecture de police a recensé environ "1.500 casseurs" dans la capitale.
A Nantes et Rennes aussi, des heurts ont violemment opposé des manifestants aux forces de l'ordre, qui ont fait usage de gaz lacrymogènes et de canon à eau. A Lorient (Morbihan), le commissariat a été pris pour cible.
Des tensions plus ou moins fortes étaient également constatées à Toulouse, Lille, Dijon ou Bordeaux où en soirée, l'entrée de l'hôtel de ville où doit être reçu le roi Charles III mardi, a été incendiée.
Ces incidents ont aussitôt dénoncés par la droite, à l'instar du président des Républicains Eric Ciotti dénonçant des "nervis (qui) veulent la terreur".
- "Trop d'enjeu" -
A l'inverse, la gauche a souligné l'ampleur de la mobilisation sociale, "la plus grande depuis mai 1968" pour le leader des Insoumis Jean-Luc Mélenchon.
Les chiffres des autorités attestaient d'un net rebond par rapport à la précédente journée de mobilisation, avec 12.400 personnes à Strasbourg, 14.800 à Rouen, et 18.000 à Montpellier. A Marseille, les syndicats ont compté 280.000 personnes et la préfecture 16.000.
Dans les cortèges, la détermination et la colère étaient palpables avec beaucoup de ressentiment vis-à-vis du chef de l'Etat.
A Strasbourg, Nathalie Cholley, aide-soignante de 47 ans, est venue pour "défendre" son avenir mais aussi "protester contre la politique d'Emmanuel Macron et son mépris".
A Brest, Aurélia Vaillant, 44 ans, restauratrice, assure qu'elle "ira jusqu'au bout". "Il y a trop d'enjeu pour arrêter maintenant", dit cette femme qui s'est sentie "méprisée" par l'intervention du chef de l'Etat.
Mercredi, Emmanuel Macron n'avait pas dévié de son cap, réaffirmant que sa réforme était "nécessaire", qualifiant les auteurs de violences de "factieux".
Les leaders syndicaux ont dénoncé à l'unisson le "mépris" et le "déni" du chef de l'Etat, arrivé jeudi à Bruxelles pour un conseil européen.
- Monuments fermés -
Pendant ce temps, les grèves entrainaient de nombreuses perturbations, notamment dans les transports. A la SNCF, seule la moitié des TGV Inoui et Ouigo et le tiers des TER circulaient, tandis que la RATP faisait état d'un trafic "très perturbé".
Quelques dizaines de personnes ont également fait irruption à l'aéroport de Roissy, bloquant durant une heure les accès au terminal 1 avant d'en être délogés dans le calme. Face au risque de pénurie de carburant, le gouvernement a pris un arrêté de réquisition à l'égard des grévistes de la raffinerie TotalEnergies de Normandie.
Des monuments ont également été fermés, dont la Tour Eiffel ou le château de Versailles.
Dans l'Education nationale, le ministère a comptabilisé 23,22% de grévistes dans le primaire et 19,61% dans le secondaire.
L'agitation a gagné aussi une partie de la jeunesse. Le ministère a signalé jeudi après-midi "148 incidents dans les lycées en France" dont 38 blocages. Des universités ont elles aussi été bloquées. Dont la peu révolutionnaire faculté de droit d'Assas.
En amont de cette neuvième journée, une source proche du gouvernement espérait encore que la mobilisation "s'étiole" après jeudi, et que tout rentre dans l'ordre "ce week-end". A la place ce sont des rassemblements syndicaux de proximité qui seront organisés pour patienter avant une 10e journée de mobilisation, mardi.
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