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Vivendi, le groupe du milliardaire Vincent Bolloré, a été autorisé vendredi par la Commission européenne à absorber son ancien rival Lagardère, à condition de céder sa filiale édition et le magazine Gala.
Ce feu vert, annoncé par communiqué, était indispensable pour des questions de concurrence. Lagardère détient en effet le troisième éditeur mondial Hachette Livre et la fusion risquait de limiter drastiquement la concurrence sur le marché des livres en France.
Vivendi s'est donc engagé à céder Editis, numéro deux français de l'édition acquis en 2019, qui regroupe une cinquantaine de maisons dont Robert Laffont, Nathan, Le Robert ou Pocket.
Vivendi "a conclu une promesse d'achat avec International Media Invest a.s. le 23 avril", a rappelé le groupe dans un communiqué. Derrière l'acquéreur se trouve un autre milliardaire, le Tchèque Daniel Kretinsky.
L'autre promesse est de céder l'hebdomadaire d'actualité des célébrités Gala. Ce titre "fait d'ores et déjà l'objet de nombreuses marques d'intérêt", a souligné Vivendi, sans autre précision.
Le groupe pense "pouvoir finaliser ces deux opérations d'ici la fin octobre".
- Décote sur Editis -
Ces engagements "répondent intégralement aux problèmes de concurrence relevés par la Commission" dans son enquête, a jugé l'exécutif européen.
Bruxelles redoutait que l'opération, telle que prévue initialement, "ne nuise à la concurrence" dans l'édition tout au long de la chaîne de valeur du livre, où Editis et Hachette se partagent presque à eux seuls certains segments, ainsi que dans la presse magazine, où Lagardère est bien implanté avec l'hebdomadaire Paris Match.
Vincent Bolloré et ses enfants, qui contrôlent Vivendi et sa cascade de holdings, avaient accepté dès l'été 2022 de se délester d'Editis.
Une occasion qu'a saisie Daniel Kretinsky, de plus en plus présent dans les médias (Le Monde, Elle, France Dimanche, Ici Paris, Marianne, entre autres) et la distribution (Fnac Darty, Casino).
D'après Yannick Bolloré en avril, l'acquéreur a négocié un prix "voisin" de l'estimation des analystes financiers, entre 500 et 600 millions d'euros. C'est une décote importante par rapport aux 829 millions d'euros payés en 2019.
La Commission a estimé dans un communiqué que les actifs cédés "constituent une activité viable qui permettrait à un acheteur potentiel de concurrencer de manière effective" Vivendi fusionné avec Lagardère.
"La décision de la Commission est subordonnée au respect intégral des engagements contractés", et la mise en œuvre des cessions sera contrôlée "par un mandataire indépendant sous la supervision de la Commission". Il évaluera "l'adéquation des acheteurs" dans le cadre d'une procédure d'approbation distincte.
- Acquéreur "ami" -
Dans un entretien au Figaro en ligne vendredi, Yannick Bolloré, président du conseil de surveillance de Vivendi, estime que, grâce à ce rapprochement, "le groupe Lagardère sera consolidé globalement dans les comptes de Vivendi", dont "le chiffre d'affaires passera de 9,6 milliards d'euros à 16,5 milliards d'euros et (les) effectifs de 38.315 collaborateurs à 65.698", pour atteindre un "poids de l'international à 63 %" du chiffre d'affaires, "versus 54 % précédemment".
La conquête de Lagardère est une étape clé du recentrage de la famille Bolloré sur les médias et l'édition.
Avec Hachette Livre, qui détient des maisons comme Grasset, Fayard, Stock ou Calmann-Lévy, Vivendi pourra rivaliser avec l'allemand Bertelsmann, un groupe familial mêlant livre et audiovisuel.
Vivendi avait lancé son assaut début 2020, lorsque l'ex-empire industriel et médiatique Lagardère était au plus mal. Fragilisé par la pandémie de Covid-19, il avait un patron et héritier Arnaud Lagardère aux abois, lourdement endetté et poursuivi par un fonds activiste, Amber Capital.
Dans un message à ses salariés consulté par l'AFP, M. Lagardère s'est félicité de travailler dorénavant avec un "ami, Vincent Bolloré, si injustement pris à partie ces derniers temps".
Ce dernier est régulièrement critiqué pour ses opinions politiques droitières. Ses contempteurs estiment qu'il va les imposer aux maisons d'édition de Hachette Livre et aux médias de Lagardère.
Auditionné début 2022 par des sénateurs inquiets de son influence grandissante, M. Bolloré avait rejeté toute accusation d'interventionnisme. "Je ne fais pas de politique", clamait-il.
La nouvelle arrive peu avant l'assemblée générale de la holding familiale des Bolloré, la Compagnie de l'Odet, prévue le 14 juin.