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A Bruxelles, de nombreux exilés à la rue, victimes de la "crise de l'asile"

A Bruxelles, des dizaines d'exilés dorment sous la tente, dans le froid, au bord d'un canal, à cause de la saturation du réseau d'accueil des demandeurs d'asile. "C'était pas ça mon rêve", lâche l'un d'eux, Moussa, 21 ans, parti en 2020 de Sierra Leone.

Ils viennent d'Afrique subsaharienne, d'Erythrée, de Syrie, de Palestine ou ont fui l'Afghanistan en 2021 au moment de la prise du pouvoir par les Talibans.

Certains disent être à la rue depuis des mois, sans pouvoir prendre une douche ni laver leurs vêtements, comptant sur la solidarité d'associations pour se nourrir.

Souleymane Camara, 24 ans, raconte être arrivé à Bruxelles fin janvier après un long périple de quatre ans depuis sa Guinée natale, via le Mali, l'Algérie, la Tunisie et une traversée maritime "en pirogue" vers l'Italie.

Dans le froid piquant de l'hiver belge, il partage désormais une tente et quelques couvertures avec le Sierra-Léonais Moussa (qui préfère taire son nom). Tous deux réclament "l'aide du gouvernement" pour être admis dans un centre d'accueil le temps de l'examen de leur demande de protection.

"Dormir et manger dehors, c'est difficile (...) je veux me former et travailler ici", ajoute le Guinéen, qui se présente comme apprenti peintre.

L'ONG Médecins sans frontières (MSF) a tiré cette semaine la sonnette d'alarme sur les conditions de vie "indignes" de ces migrants, et fait installer une dizaine de toilettes mobiles et un évier avec accès à l'eau courante à proximité du campement.

Il s'agit de garantir "l'hygiène de base et la dignité que l'on est en droit d'attendre au cœur de la capitale européenne", a grincé l'ONG.

Dénonçant "une gestion désastreuse de l'Etat", MSF Belgique a comparé la situation avec ses interventions d'urgence "dans des régions en crise comme au Sahel".

David Vogel, un responsable de MSF, explique à l'AFP que des tentes sont apparues fin 2021 tout près du bâtiment fédéral -surnommé le "Petit château"- censé orienter les demandeurs d'asile vers un lieu d'hébergement après leur enregistrement. Déjà à l'époque le réseau d'accueil (environ 33.000 places) était saturé.

- Fermeture d'un squat -

Mais d'une soixantaine au départ, "on est passé à plus de 120 tentes à la suite de la fermeture d'un squat" à la mi-février, souligne M. Vogel.

Les services belges de l'immigration ont enregistré en 2022 près de 37.000 demandes de protection internationale, un bond de 11.000 par rapport à l'année précédente, selon les chiffres officiels.

Et la volonté affichée est surtout d'accélérer le traitement des demandes pour renvoyer plus rapidement dans leur pays les migrants dits "économiques".

"Dans notre pays, trop de gens entrent alors qu'ils n'ont pas droit à l'accueil", a déclaré jeudi le Premier ministre Alexander De Croo, interrogé sur le sujet au Parlement. "Il faut un filtrage plus efficace et mieux coordonné entre les pays européens".

Un député d'opposition, le centriste François De Smet, a dénoncé la "honte" que représente pour la Belgique ce campement de fortune "de 100 à 200 personnes" en plein Bruxelles.

Ce à quoi s'ajoute "le ridicule" des saisies de meubles, notamment au cabinet de la secrétaire d'Etat à la Migration, censées financer les "278 millions d'euros" d'astreintes dues par l'Etat, a relevé le député. Ce montant découle des milliers de condamnations prononcées par les tribunaux pour non respect de l'obligation légale d'hébergement.

ONG et associations d'aide aux réfugiés suggèrent pourtant depuis des mois une solution "structurelle" au manque de places.

"Il y a un manque de volonté politique pour résoudre cette crise", déplore David Vogel. "Activer un plan de crise fédéral permettrait d'obliger les bourgmestres à accueillir une partie de ces gens, et de dégager des places disponibles dans les hôtels".

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