Partager:
Une quinzaine de chefs d'Etat et de gouvernements d'Amérique latine, réunis mardi à Buenos Aires en sommet régional autour du revenant brésilien Lula, ont été invités à "renforcer" leur intégration régionale et leurs institutions, pour parer la menace de convulsions comme celle qui a visé les lieux de pouvoir à Brasilia le 8 janvier.
"Nous ne pouvons permettre qu'une ultra-droite récalcitrante et fascisante mette en péril les institutions de nos peuples", a lancé le président argentin Alberto Fernandez (centre-gauche), président en exercice de la Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes (Celac - 33 pays membres), en ouvrant le VIIe sommet de l'organisation.
"La démocratie court clairement un risque", avec "des secteurs de l'ultra-droite qui se sont redressés", a-t-il ajouté, citant notamment la "folie de Brasilia" -où des sièges de pouvoir ont été pris d'assaut le 8 janvier par des bolsonaristes- ou l'attentat contre la vice-présidente argentine Cristina Kirchner en septembre.
"Nous devons renforcer les institutions de notre région (...) convertir nos paroles en institutions et en faits, faire en sorte que l'intégration (régionale) devienne réalité", a poursuivi M. Fernandez, qui passera la main à la présidence de la Celac après le sommet.
Créée en 2010 à l'initiative notamment du Brésilien Lula, la Celac est un forum de dialogue et de coopération, nullement un organe d'intégration régionale aux délibérations contraignantes. Sur la durée, sa voix a peiné à être unie ou à peser, encore à ce jour dans des crises du continent, comme au Pérou.
A fortiori lorsque des acteurs majeurs comme le Brésil en sortent, comme cela a été le cas depuis 2020 quand l'ex-président d'extrême-droite Jair Bolsonaro dénonçait la complaisance, ou pire, de la Celac avec des régimes "non-démocratiques", tels Cuba, Venezuela, Nicaragua.
Le président cubain Miguel Diaz-Canel était présent à Buenos Aires, pas le Vénézuélien Nicolas Maduro ni le Nicaraguayen Daniel Ortega.
Autre absent notable: Andrés Manuel López Obrador, président (de gauche) du Mexique, deuxième économie d'Amérique latine, hôte en 2021 du dernier sommet de la Celac.
- Pour Brasilia: l'Amérique latine, et au-delà -
"L'Amérique latine est en faillite du point de vue institutionnel (...) Elle n'a pas réussi à s'insérer collectivement dans le monde", diagnostiquait pour l'AFP Ignacio Bartesaghi, expert en Relations internationales et intégration régionale de l'Université catholique d'Uruguay. Certains régimes au sein de l'organisation ne se reconnaissent même pas.
A tout le moins, la Celac "reste un espace vaste et hétérogène de pays d'Amérique latine à partir duquel des agendas minimaux ou d'intérêt commun pour la région peuvent s'établir", convient Bernabé Malacalza, chercheur en Relations internationales au Centre national de recherche argentin Conicet.
Le sommet de Buenos Aires, en présence de Lula réélu, scelle le retour du Brésil à la Celac, et dans l'arène diplomatique régionale, pour la première sortie internationale du chef de l'Etat brésilien de 77 ans. Dernier en date d'une "vague rose" depuis trois-quatre ans en Amérique latine, avec le retour aux affaires de gouvernements de gauche ou centre-gauche.
Et la Celac reste l'interlocuteur de la Chine, ou de l'UE, pour négocier avec la région des agendas de coopération. Mais le dernier sommet UE-Celac remonte à 2018... même si les deux parties se sont engagées fin 2022, au niveau ministériel, à viser un sommet bi-régional en 2023, où l'Espagne aura la présidence de l'UE au 2e semestre.
De fait, le retour de Lula pourrait donner un coup de fouet à certaines relations ou dossiers , tels l'accord de libre-échange UE-Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay), finalisé en 2019 mais jamais ratifié, en raison notamment d'inquiétudes sur la politique environnementale de Bolsonaro. Le camp Lula a indiqué sa volonté de reprendre les contacts.
"Nous allons reconstruire le Mercosur !" a aussi lancé Lula lundi, en référence à cette union douanière, qui s'est déchirée en 2022 sur un traité de libre-échange avec la Chine. "Nous allons recréer l'Unasur !" a-t-il promis en référence à la moribonde Union des nations sud-américaines créée en 2008 à son initiative et celle du Vénézuelien Hugo Chavez.
Mais au-delà du voisinage auquel Lula se devait de donner préséance à Buenos Aires, le chef de la diplomatie brésilienne a rappelé récemment que dans l'objectif de Brasilia de "reconstruire des ponts", l'Amérique latine a "le même degré d'importance et de priorité" qu'Etats-Unis, Chine et Europe. Les prochains voyages à l'agenda de Lula: Washington le 10 février, et Chine "après mars".