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Quand l'armée américaine devient trop "woke" pour des républicains

Lorsque l'armée américaine a lancé une campagne de recrutement présentant une soldate avec ses deux mamans, des ténors républicains sont montés aux barricades. Trop "woke", ont-ils jugé, accusant l'état-major de se bercer d'une idéologie d'égalité au détriment de la virilité.

Sur Twitter, le sénateur républicain du Texas Ted Cruz a ouvert le bal des critiques contre cette campagne. "De la foutaise", a-t-il écrit, partageant a contrario sur ce réseau social la vidéo d'un combattant russe au crâne rasé, aux muscles saillants et tirant de son fusil.

"Une armée woke, émasculée, n'est peut-être pas la meilleure idée qu'on puisse avoir", a ajouté M. Cruz, accusant les médias et le parti démocrate du président Joe Biden de transformer les soldats américains en "femmelettes".

Or Ted Cruz, qui s'est déjà opposé à la présence de femmes dans les troupes de combat, n'est pas seul. De nombreux élus républicains, qui ont pris cette année le contrôle de la Chambre des représentants, accusent l'état-major du Pentagone de trop se focaliser sur les questions de diversité, d'équité et d'inclusion.

Bref, d'imposer selon eux une politique progressiste aux Américains et ce, de surcroît, alors que le recrutement dans les forces armées recule sous l'administration Biden.

Ce nouveau dédain infuse la base républicaine comme son sommet, l'ex-président Donald Trump, premier dans les sondages pour l'investiture du parti à la présidentielle de 2024, accusant récemment les généraux d'être "faibles et inefficaces", voire plus préoccupés par la diversité que par leur mission de "combattre les ennemis".

- "La Chine se gausse" -

Le gouverneur de Floride, Ron DeSantis, principal rival de Trump pour l'investiture républicaine et connu pour avoir prédit la "mort" du "wokisme", lui a emboîté le pas. "La Chine se gausse" des obsessions présumées des généraux américains pour la diversité, a-t-il affirmé.

Les exemples de ces critiques sont légion et minent la sécurité des Etats-Unis, estime Risa Brooks, professeure de sciences politiques à l'université Marquette, à Milwaukee (Wisconsin, nord).

Ces attaques "sapent la cohésion interne de l'armée, la politise à outrance et détournent le Congrès et la population américaine d'enjeux importants de sécurité nationale, le tout en mettant l'emphase sur un problème mal défini et mal étayé", écrivait récemment cette spécialiste.

"Ceux qui comprennent ces attaques pour ce qu'elles sont vraiment, c'est-à-dire un discours partisan plutôt que des critiques argumentées de vrais problèmes, doivent en faire davantage pour les contrer de manière efficace", et ainsi renforcer l'institution militaire, ajoute Mme. Brooks.

Les tensions entre démocrates et républicains concernant l'armée se sont invitées cette semaine lors de débats au Congrès sur le budget du Pentagone, approuvé sans difficulté chaque année depuis le début des années 1960 avec le soutien des deux partis.

Forts désormais de leur contrôle de la Chambre des représentants -- le Sénat restant sous majorité démocrate --, les républicains cherchent à contrecarrer ce supposé "wokisme" au sein de l'armée.

- 1 heure contre 92 -

Les élus ont débattu de dizaines d'amendements au budget pharaonique de la Défense, sans vraiment contester son montant prévu à 886 milliards de dollars (789 milliards d'euros), mais se concentrant davantage sur des enjeux liés à la "guerre culturelle" comme la diversité, l'avortement et les personnes transgenres au sein de l'armée.

Des propositions visent aussi à bloquer ou réduire l'aide militaire à l'Ukraine, à mettre fin au changements de noms de bases baptisées en l'honneur de généraux confédérés défenseurs de l'esclavage lors de la guerre civile américaine, tandis que d'autres encore n'ont aucun lien direct avec l'armée.

La plupart des amendements républicains ont peu de chances d'obtenir le feu vert du Sénat, sous contrôle démocrate, mais l'administration Biden devra peut-être faire des compromis pour obtenir l'assentiment de la chambre basse.

Pris dans l'étau de cette "guerre culturelle", des hauts gradés ont répliqué à l'aide de faits aux attaques politiques visant l'armée.

Le sergent-major Michael Grinston, l'un des plus hauts gradés de l'armée, a dit en mars dernier aux élus républicains que les soldats passaient une fraction minime de leur temps de formation sur la diversité et l'équité. "Dans l'entraînement de base, il y a une heure de formation sur l'équité et 92 en maniement des armes", a-t-il rappelé.

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