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Les Fêtes de Wallonie ont pris une tournure amère pour la famille d'Henri cette année. Alors que l'ambiance était au beau fixe sur la place d'Andenne, sa fille de neuf ans va chercher à boire. Un peu en retrait, Henri la suit.
Attentif, le père de famille va repérer un homme au comportement étrange, pour ne pas dire suspect. "Un monsieur a dirigé son appareil photo, qui était posé sur un mange-debout, vers le visage de ma fille et, en faisant l'air de rien, il a pris des photos en gros plan de son visage", se souvient-il à notre micro.
"J’étais en retrait et je l’ai vu donc je me suis approché par derrière et je lui ai demandé ce qu’il faisait, il a d’abord nié puis s’est énervé en disant qu’il était professionnel et qu’il avait le droit" de prendre ces photos. Devant l'état stérile de la discussion, Henri fait appel à deux policiers qui passaient non loin. Après avoir expliqué la situation, la réaction des représentants de la loi va le sidérer.
"Apparemment, c’était tout à fait normal. Il a montré les photos, j’ai exigé qu’il les supprime et la policière a dit : 'Vous n’êtes pas obligé monsieur, vous pouvez garder les photos'. J’ai trouvé ça assez choquant. Pour moi, ce n’est pas normal", lance-t-il.
L'homme finira par supprimer les photos de son appareil.
Inquiétude
Choqué et furieux après "les moqueries de ces policiers qui ont pris ça pour un fait banal", Henri décide d'écrire au bourgmestre. Lui-même choqué par cet incident, le mayeur s'est chargé de prévenir le chef de la police et une enquête interne a débuté.
Henri ne comprend pas ce comportement et, bien qu'il ne soit pas possible de faire des conclusions hâtives sur base de suppositions, rappelle que notre pays a déjà connu des traumatismes. "Pourquoi faire des photos d’un enfant comme ça ? Avec ce qu’il s’est déjà passé en Belgique… Avec toutes les scènes de pédophilie, Marc Dutroux, et avec toutes les photos qui peuvent être détournées, les faux profils, il peut utiliser ces photos pour attirer d’autres enfants."
"Je veux que les gens sachent la loi : a-t-on le droit de prendre une photo comme ça ?", s'interroge le père de famille.
Alors oui, que dit la loi ?
Il faut savoir que prendre des photos de personnes dans un lieu public n'est pas interdit, mais il y a des nuances importantes. "Le droit à l’image s’applique en fonction des contextes", détaille Aurélie Waeterinckx, porte-parole de l'Autorité de protection des données. "Si vous prenez une photo de la foule, les personnes présentes ne devront pas donner de consentement préalable, tandis que s’il y a un gros zoom sur un visage, il y aura un consentement préalable nécessaire".
"Si vous voulez prendre une photo en gros plan d’une petite fille, vous avez besoin d’une autorisation d’un parent ou du tuteur. C’est non négociable", poursuit-elle.
C'est donc relativement simple, si vous prenez une photo d'ensemble dans un lieu public, les personnes présentes sont présumées d'avoir donné leur accord. Si la photo est dirigée vers une personne en particulier, il faut lui demander la permission. Et "si elle fait part de son désaccord, le photographe doit supprimer la photo", précise Sandrine Carneroli, avocate en droit à l'image. "Le photographe doit respecter l’interdiction qui lui a été dite. Il doit supprimer la photo."
Et la permission de prendre une personne en photo ne signifie pas pour autant qu'elle est d'accord de voir le cliché être publié sur une plateforme, quelle qu'elle soit. "Il faut avoir deux consentements", spécifie Aurélie Waeterinckx. "Un pour la prise d’image et l’autre pour la publication, sur Internet par exemple. Vous devez être clair sur l’utilisation de cette photo".
Publication sans votre accord ?
"Si vous constatez qu’une photo de vous a été publiée sans votre consentement, la première chose à faire est de contacter le photographe ou le média qui a fait la publication afin de faire valoir votre droit à l’effacement et qui permet de supprimer la photo parce que vous n’avez pas consenti. Si jamais le site ne répond pas ou que le photographe n’est pas d’accord, vous avez le droit de saisir une juridiction, soit de vous adresser à l’Autorité de protection des données pour porter plainte ou demander une médiation avec cette personne", conclut Aurélie Waeterinckx.