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L'installation d'un incinérateur de déchets à Givet. C'est le projet qui est sur toutes les lèvres de part et d'autre de la frontière. Il faut dire que la commune française est presque enclavée dans le territoire belge et, évidemment, les citoyens se posent des questions. Quels impacts sur la santé ? Sur la nature ? Sur l'économie ? Le hic : à l'heure d'écrire ces lignes, la présentation du projet reste très floue et pourtant, ça avance.
Benoît est belge et frontalier, il a vu la pétition contre ce projet d'incinérateur circuler en ligne et après s'y être intéressé de plus près, il reste perplexe : "Il y a les émanations, les passages de camions,… Et après avoir participé à toutes les réunions publiques, ce qui en ressort, c'est du flou, de l'expérimental. Donc, il n'y a rien qui nous rassure."
Sa voisine française, Martine, n'est pas beaucoup plus sereine: "Nous n'avons aucun moyen de vérifier ce qui va être diffusé. Je suis catastrophée. Givet est une ville historique et maintenant, la première chose que les gens vont voir en entrant, c'est une cheminée de 25 mètres", lance-t-elle, émue.
Concrètement, le plan de la société Givet Recycling consiste à installer un incinérateur de déchets dans le parc d'activité communautaire de Givet. On parle de 950.000 tonnes de déchets par an, parmi lesquels des déchets non-dangereux issus de la construction. Mais il est aussi question déchets considérés comme dangereux, à hauteur de 350.000 tonnes par an.
"L'impact sur la santé n'est pas assez détaillé"
Les citoyens ne sont pas les seuls à être réticents. Nous avons rencontré Simon Bultot, bourgmestre d'Hastière, une commune belge voisine : "La position de la commune est très claire, elle est unanimement contre ce projet pour plusieurs raisons. La première, c'est le risque environnemental. Dans l'étude qui fait 1.000 pages, l'impact sur l'environnement et sur la santé n'est pas assez détaillé. Cela laisse craindre beaucoup de choses." La provenance des déchets est aussi source de questionnement. On sait qu'il y aura 60 % de déchets français, mais qu'en est-il des 40 % restants, s'interroge Simon Bultot.
Le mayeur dénonce un "flou dans les données": "À la première réunion avec le promoteur, il n'a répondu à aucune question." Outre la santé et l'environnement, les communes belges qui entourent Givet craignent aussi de voir des centaines de camions débarquer sur les routes wallonnes chaque jour.
Une mobilité qui se complique, le tourisme qui pourrait être affaibli ou encore le prix de l'immobilier qui risque de chuter. Ce sont tant de choses qui inquiètent le bourgmestre et pour lesquelles il n'a aucune réponse. Les conséquences sur la Belgique sont, selon lui, complètement inconnues : "Quand on parle des substances qui vont être rejetées dans l'air, par exemple, on nous dit que ça respecte la norme française, mais qu'en est-il de la norme belge ?" Il ajoute : "L'étude, telle qu'elle est présentée, ne prend pas en compte les vents qui viennent vers la Belgique."
Quant à la comparaison avec d'autres incinérateurs de déchets, elle est impossible. Il n'existerait aucun système similaire dans le monde, c'est pour cette raison que Benoît, entre autres, qualifie ce projet d'"expérimental". Givet Recycling veut utiliser la désorption thermique, une technique qui consiste à chauffer les déchets à très haute température pour les transformer en granulats, en fragments, et extraire les polluants volatiles.
Quelle marge de manœuvre ?
Les pétitions et autres réclamations sont assez claires : les Belges ne veulent pas de cet incinérateur. Mais alors que faire ? Dans un premier temps, la commune d'Hastière, au même titre que la région wallonne, a conseillé aux citoyens de participer aux enquêtes publiques (il y en a eu en Belgique et en France) afin de manifester leur mécontentement.
"On veut faire remonter la voix des citoyens belges et montrer que ça n'a pas un impact que sur Givet, mais sur toute une région", avance le bourgmestre. Pour le reste, la commune de Givet a ses limites.
L'analyse est en cours
Nous nous sommes donc tournés vers le cabinet de la ministre Céline Tellier, en charge de l'Environnement. "L'analyse des différents impacts environnementaux de ce projet sur le territoire wallon est toujours en cours", nous dit-on. La région wallonne a sollicité l'expertise de différentes instances pour pouvoir émettre un avis "davantage technique".
Et après ? La Wallonie va remettre un avis à l'autorité française qui devra en tenir compte dans sa prise de position. Pour autant, ça ne signifie pas que la Région wallonne peut bloquer le projet si elle y est opposée. L'autorité française peut choisir de contre-argumenter et d'avancer dans un sens opposé.
On l'a compris, ce dossier est dense et loin d'arriver à son terme. L'enquête publique française s'est achevée le 22 février dernier. À la suite de cela, il va falloir décider de vendre ou non le terrain à la société Givet Recycling. Les Belges garderont un œil attentif sur les avancées, même si, les possibilités de s'opposer à ce projet de notre côté de la frontière sont minces.