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Louis et Levis nous ont contactés via le bouton orange Alertez-nous. En cause: un conflit entre les lois belges et kényanes qui empêche le jeune couple de s'épanouir. Impossible de devenir cohabitants légaux. Leur homosexualité semble être un frein supplémentaire. Selon eux, "la Belgique se fait le relais des politiques homophobes d'autres pays".
Le début de leur histoire pourrait être celle d'une romance de cinéma. La tournure qu'elle est en train de prendre en revanche… Louis et Levis se sont rencontré au Kenya, pays d'origine de ce dernier. "J'y suis retourné, et puis, on s'est dit que ça serait cool qu'il vienne une fois me rendre visite", raconte Louis. C'est donc ce qu'il s'est passé. Levis est venu en Belgique voir "un ami" selon la version officielle.
Tout se passait pour le mieux jusqu'à ce qu'une publication sur les réseaux sociaux, qui n'avait pourtant rien d'explicite, fasse comprendre au père de Levis que Louis était plus qu'un ami pour son fils. "Je ne sais pas comment il a su que j'étais gay avec ce post. Il était très fâché, il disait que j'avais rejoint une secte. Je pensais que ça allait lui passer, mais au contraire, ça a empiré", explique le principal intéressé. "Ça a empiré" jusqu'aux menaces. Il raconte: "Il a empêché à tout le monde de me parler, même à ma mère. Il m'envoyait des messages de menaces de mort."
À un certain point, Levis a dû envisager de demander l'asile en Belgique. Être homosexuel au Kenya est passible d'une peine de prison. "Il faut vraiment se cacher." Et avec cette réaction de son propre père, Levis craint pour sa sécurité. "J'ai beaucoup réfléchi, j'avais ma vie là-bas." Il a finalement décidé de rester en Belgique: "Je ne pouvais pas rentrer", avoue-t-il. Dès lors, il doit "prouver" à la Belgique qu'il est homosexuel pour obtenir le statut de réfugié.
Devenir cohabitants légaux, plus compliqué qu'il n'y paraît
À cette procédure, souvent assez lourde, s'ajoute celle de devenir cohabitant légal. Si le couple veut passer ce cap, c'est autant pour l'aspect symbolique que pour l'aspect financier. Il faut dire que dans sa situation, il n'est pas simple pour Levis de trouver un travail. L'avantage fiscal représenterait alors un chouette coup de pouce pour boucler les fins de mois.
Le hic : "C'est présenté dans la loi comme quelque chose d'assez simple, et en fait ça ne l'est pas tellement. Ça nous a beaucoup déçus", raconte Louis. Pour devenir cohabitant légal, la loi exige un certificat de célibat. Ce document doit être fourni par le pays d'origine de Levis. Or, pour le délivrer, le Kenya demande le passeport et les renseignements sur la personne qui va cohabiter. Il est donc impensable que ce pays aux lois homophobes fournisse quoi que ce soit en voyant qu'il s'agit d'une personne de même sexe. Voilà donc le petit couple totalement coincé. "Ça nous a rendu très tristes. Toute ma vie est sens dessus dessous et tout cela n'aide pas", réagit Levis.
Nous avons contacté la commune de Saint-Josse pour mieux comprendre quels sont les recours éventuels pour ces deux citoyens, mais ils n'ont pas souhaité donner suite.
"La Belgique est coincée"
Nicham Bouli est juriste au MRAX (mouvement contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie), elle explique que ce genre de situation n'est pas exceptionnelle: "Quand ce sont des unions de couples mixtes, on se retrouve très souvent dans des situations de conflit entre la loi belge et celle du pays d'origine." C'est ce qui se passe ici : "L'état civil cherche à savoir si la personne est célibataire et libre de toute union. Là, c'est impossible, parce qu'à partir du moment où le Kenya verra que le partenaire est un homme, le certificat sera refusé. Mais la Belgique est coincée parce que c'est ce que prévoit notre code civil. Même une personne originaire d'Europe qui veut se marier ici doit fournir ce certificat."
Louis estime que "la Belgique, sans le vouloir, se fait le relais des politiques homophobes d'autres pays".
La juriste admet que ce problème n'existerait pas s'il était question d'un couple hétérosexuel : "On peut y voir de la discrimination. On parle de discrimination indirecte. Nous avons des pratiques neutres qui s'appliquent à tout le monde, mais les conséquences de ces pratiques, discriminent certaines personnes ou de certaines communautés."
Louis et Levis ont-ils d'autres alternatives ? Malheureusement, pas vraiment. "On ne peut rien faire si ce n'est détourner la loi, mais cela pourrait avoir des conséquences beaucoup plus lourdes", précise Nicham Bouli.
Si de ce côté-là, tous les espoirs semblent vains, Levis espère tout de même obtenir l'asile dans les prochaines semaines.