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Nimbés par la lueur blafarde de la lune, les contreforts du Vercors résonnent d'un rituel étrange en cette nuit de septembre: Philippe Cotte, technicien du très sérieux Office français de la Biodiversité (OFB) pousse le cri du loup dans un cône de chantier. "Aaooouuuu".... À 21h précises, sous l'œil amusé de quelques campeurs, l'expert hurle dans son porte-voix orange fluo pour appeler les canidés sur les collines du massif, à proximité du village de Presles, dans l'Isère. Il espère un cri de réponse, pour savoir si des petits sont nés et si une deuxième meute est apparue. En Isère comme ailleurs, les loups gris connaissent depuis dix ans une démographie favorable qui enchante les amis de la nature mais enfièvre les éleveurs. Leur population, à l'origine venue d'Italie, a été estimée à plus de 920 spécimens à la sortie de l'hiver 2021-2022 sur l'ensemble du pays, selon le dernier comptage de l'OFB. "L'opération de hurlements provoqués n'est pas un comptage", précise Philippe Cotte. Elle se fait "à la demande des éleveurs" s'ils repèrent des loups dans un secteur inhabituel et permet de savoir si des naissances ont eu lieu au printemps. "Les adultes ont des cris assez forts, alors que ceux des louveteaux ressemblent à des petits jappements de jeunes chiots", dit-il avant de faire résonner sa voix pour les imiter. "Les premières années, on a beaucoup rigolé", confie ce fin connaisseur de la faune sauvage locale; "Voilà l'outil indispensable", sourit-il en brandissant son cône en plastique qu'il transporte avec lui depuis le début de l'opération. La méthode, venue des États-Unis, a fait ses preuves, on l'utilise en France depuis les années 2010. Ce soir-là, six équipes, composées d'éleveurs, de chasseurs et de lieutenants de louveterie, encadrés par l'OFB, sont réparties sur la zone proche de Presles. Après trois appels, la vallée reste désespérément silencieuse. Soudain le technicien tend l'oreille... "C'est une chouette hulotte", souffle-t-il, la mine déconfite. Branle-bas de combat. Après conciliabule, les équipes décident de se repositionner là où les loups ont été aperçus l'année dernière, à la même période. Au top horaire suivant, vers 22H30, Philippe et un de ses collègues, visages graves, poussent un long "aaoooouuuu". Au bout de dix secondes, c'est la récompense: des loups, très proches, répondent, dans un concert de hurlements joyeux et de cris graves.

