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Ce 31 mai, à l’occasion de son 90ᵉ anniversaire, Alix Battard propose une émission spéciale pour revivre les moments marquants du règne de l’ancien souverain Albert II. À travers des interviews exclusives, des séquences d'archives précieuses et des récits intimes, le documentaire explore la vie complexe d'Albert II, depuis son accession au trône jusqu'à son abdication, et montre son influence dans des moments clé de l'histoire belge, comme des crises politiques et sociales majeures.
Son début de règne
Le 9 août 1993, le prince Albert prête serment devant la Chambre des représentants, devenant le sixième roi des Belges. Initialement perçu comme un roi de transition entre son frère Baudouin et son fils Philippe, Albert II impose rapidement son style distinct.
Son accession au trône, marquée par des tremblements et un bégaiement dus à l'émotion, suscite des spéculations sur sa santé. "C'était un moment très intense. Ce qui était remarquable, c'est qu'il tremblait", se souvient Elio Di Rupo, ancien Premier ministre. Laurette Onkelinx, ancienne Vice-Première ministre, ajoute : "Je vois un homme qui bégaie, qui tremble, je me dis qu'il a un problème. On avait l'impression que ça allait au-delà de l'émotion, que peut-être, il était malade."
Malgré ces débuts difficiles, il prend son rôle au sérieux, honorant un accord préalable avec Baudouin et surprenant par son sens du devoir. Cette période est également difficile pour Philippe, préparé à régner, mais soudain écarté. "Il s'attendait à avoir le fameux coup de fil, mais rien ne lui a été dit. Tout s'est passé dans son dos. On comprend qu'il l'ait mal vécu", explique Pierre de Vuyst, journaliste au Soir Mag.
La relation entre Albert et Baudouin était très forte, marquée par une enfance commune pleine d'épreuves. "Ce sont des jumeaux de l'âme", affirme Bernard de Traux de Wardin, ami du roi Albert II. À la mort de Baudouin, en 1993, des suites d'une crise cardiaque, le soutien politique pour Albert est unanime. Melchior Wathelet, ancien ministre de la Justice, souligne que "le prince Albert a décidé d'assumer les fonctions que lui confiait la Constitution". Les tremblements d'Albert disparaissent ensuite, et il s'impose comme un roi à part entière, bien qu'au départ beaucoup aient douté de sa capacité à régner.
L'affaire Dutroux
Après un début de règne sans accroc, Albert II est confronté à plusieurs drames nationaux, dont l'affaire Dutroux en 1996. Initialement critiqué pour ne pas être rentré de vacances lors de la découverte des corps des victimes, il finit par jouer un rôle crucial. Stefaan de Clerck, alors ministre de la Justice, se souvient : "Le lendemain de ma prestation de serment, Julie et Mélissa disparaissaient".
Jean-Denis Lejeune, père de Julie, reproche au roi un manque de soutien initial : "On a fait appel au Palais royal pour voir si on pouvait avoir un soutien complémentaire, ce que nous n'avons jamais reçu". Pierre de Vuyst, journaliste au Soir Mag, explique que le roi regrettera toujours de ne pas être rentré plus tôt, sur les conseils du Premier ministre Jean-Luc Dehaene.
L'affaire Dutroux bouleverse profondément le Palais. Bernard de Traux de Wardin, ami du roi, décrit Albert II comme très affecté, et Pierre de Vuyst souligne que le roi regrettera toujours de ne pas être rentré plus tôt. Décidant de s'impliquer personnellement, Albert II appelle à une justice plus humaine et efficace. Il réunit les familles des victimes pour discuter des réformes nécessaires. "Seul le roi et ses ministres, qui sont à l'initiative de cette grande première table ronde afin que tout le monde puisse s'exprimer, toujours dans le but de faire évoluer la législation et le modus operandi dans notre pays", explique Jean-Denis Lejeune.
"Le roi a joué un rôle fondamental à ce moment-là pour calmer, pour donner de l'espoir, pour aider les parents d'une manière très explicite à trouver une réponse dans des situations très difficiles pour eux", conclut l'ancien Ministre de la Justice, Stefaan de Clerck.
L'affaire Delphine
L'affaire Delphine a été une période délicate pour Albert II. Tout a commencé avec un livre de Mario Danneels affirmant qu'Albert avait une fille illégitime suite à une longue relation extraconjugale.
Les rumeurs circulaient depuis longtemps dans la noblesse belge et les couloirs du Parlement. "Quand on est un responsable politique de haut niveau, on n'accorde pas d'importance aux rumeurs", explique Elio Di Rupo.
Delphine, vivant à Londres et menant une carrière d'artiste, n'avait rien demandé, mais l'attention soudaine des médias a bouleversé sa vie. Delphine souhaitait avant tout être reconnue par son père. "Ce qu'elle voulait, c'était une reconnaissance de son père qu'elle a fréquenté pendant très longtemps. Et puis, dès le moment où il est devenu roi, c'est comme s'il n'existait plus, c'est comme s'il était obligé de prendre ses distances", note Thomas de Bergeyck.
Le discours de Noël d'Albert II en 1999, où il reconnaît les moments difficiles de son mariage avec Paola, a été perçu comme un aveu indirect. "Tout le monde interprète ce discours comme étant un aveu", explique Martine Dubuisson, journaliste au média Le Soir. Finalement, Delphine a décidé de faire appel à la justice pour être reconnue. En 2020, un test ADN a confirmé qu'elle était bien la fille biologique d'Albert II, lui permettant de devenir la princesse Delphine de Saxe-Cobourg. Depuis, ses relations avec Albert se sont apaisées.
La crise politique de 2010-2011
Le règne d'Albert II a été marqué par des enjeux politiques majeurs, notamment la gestion de la crise politique de 2010-2011. Au départ, il n'était pas perçu comme un roi politique, mais plutôt sociétal, se montrant proche des citoyens. Cependant, avec le temps, il s'est affirmé en politique, comme le souligne Pierre de Vuyst, journaliste au Soir Mag : "Il est resté très neutre pendant dix ans. Et après, quand il y a eu les difficultés politiques, les crises politiques, on a vu le roi Albert qui assumait de plus en plus sa fonction et qui n'hésitait pas à mettre en garde et jusqu'à taper du poing sur la table".
La crise politique de 2010-2011 a été particulièrement difficile pour Albert II, comme l'explique Martine Dubuisson : "Albert II a très mal vécu cette très longue crise au fur à mesure qu'elle s'éternisait". Face à cette crise, il a dû prendre des initiatives inhabituelles, créant des missions de formateur et d'informateur pour tenter de former un gouvernement.
Le roi a dû réaffirmer le rôle de la monarchie dans la vie politique belge, exprimant son inquiétude lors de discours solennels et appelant à la responsabilité des politiciens pour trouver rapidement des solutions équilibrées. "C'était un discours où on sentait la sincérité d'un homme et d'un roi qui a peur pour son pays", souligne Laurette Onkelinx.
Finalement, après plusieurs mois de crise, il a pu nommer un nouveau Premier ministre, marquant ainsi la capacité du pays à réaliser des compromis et à se rassembler malgré les tensions politiques. "C'est quelques mois plus tard que le roi pourra enfin nommer son Premier ministre Elio Di Rupo, le jour de la Saint-Nicolas", explique Thomas de Bergeyck.
Son abdication et la façon dont il l’a annoncée au gouvernement de l’époque
Après la tourmente de la crise politique de 2010-2011, Albert II, approchant ses 80 ans, commençait à ressentir le poids des années et les problèmes de santé. Durant deux ans, il s'est peu à peu éloigné de ses fonctions officielles, ce qui a alimenté des spéculations sur une possible abdication.
Le 2 mars 2012, une fuite dans la presse évoque l'abdication du souverain, suscitant des spéculations persistantes. En 2013, tout s'accélère en coulisses. Finalement, le 21 juillet 2013, dans un discours émouvant, Albert II annonce son intention d'abdiquer, exprimant sa confiance en son fils Philippe pour lui succéder.
Lors du passage entre Philippe et Albert II, le souverain a adressé des mots émouvants : "Philippe, tu as toutes les qualités de cœur et d'intelligence pour très bien servir notre pays dans tes nouvelles responsabilités. Toi-même et ta chère épouse Mathilde avez toute notre confiance. Quant à la reine Paola, qui m'a constamment soutenu dans ma tâche durant ces 20 années, je voudrais simplement lui dire merci. Et un gros kiss".
"C'est un époux qui parle à sa femme et ça a dû toucher le cœur de presque tous les Belges", confie Elio Di Rupo.
Depuis son abdication, Albert et Paola mènent une vie paisible, partageant leur temps entre le château du Belvédère et leur propriété de vacances en France. Ainsi, Albert, en se retirant, a offert à son fils un pays uni, exprimant son souhait pour la cohésion de la Belgique.
Retrouvez le documentaire "Albert II, les derniers secrets" ce vendredi 31 mai sur RTl tvi & RTL play à 19h50.