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Il y a tout juste 20 ans, Arlon s'apprêtait à accueillir le procès du siècle, celui de Dutroux et consorts. Parmi les figures clés de ce procès, il y avait Xavier Magnée, l’avocat du diable disait-on alors. Sa mission paraissait impossible, elle l’était, mais l’objectif de l’avocat était de chercher la vérité.
20 ans plus tard, Maître Magnée est retraité mais toujours convaincu que la vérité n’a pas été dite au procès. Exceptionnellement, il a accepté de revenir sur ce procès, qui lui laisse un goût amer.
"C'est un malade, oui, je ne connais pas d'affaire pire que j'eusse défendu dans mes 60 ans de barreau", lance l'avocat d'emblée. Cette affaire, c'est la plus terrible, mais aussi celle qu'il n'oubliera jamais. "Le temps passe, il y a des affaires entières que j'ai plaidées et dont je ne me rappelle plus un mot", mais celle-là, il s'en rappelle "dans les moindres détails", "je me vois encore la première fois que j'ai vu Dutroux"
À 88 ans, Xavier Magnée n'a pas perdu la mémoire, et n'a pas changé d'avis: Marc Dutroux n'était pas un prédateur isolé, répète-t-il avec force. "Dutroux fournissait des jeunes gamines, à des gens sans doute puissants, qui accomplissaient des gestes auxquels on n'ose même pas penser. Un tas de choses ne s'expliquent pas s'il n'y a pas le réseau, s'il n'y a pas une protection de la gendarmerie, qui, sachant que des puissants sont compromis, peut dominer ces puissants et régner sur le pays".
Un tas de choses ne s'expliquent pas s'il n'y a pas de réseau
Au procès d'Arlon, Xavier Magnée a détaillé les pistes annexes, les milliers de cheveux inconnus, les hasards troublants, les liens du sexe et du sang jamais démêlés. "À la fin de ce procès, j'ai demandé 80 vérifications, en expliquant pourquoi pour chaque cas. On m'a répondu qu'il n'y avait pas lieu de faire la moindre vérification supplémentaire, que ce serait pour le dossier bis et le dossier bis est classé quelques mois plus tard".
Au terme de sa plaidoirie, Xavier Magnée exhorte même les jurés à ne pas juger, car "il y a trop d'ombre dans cette affaire". Des applaudissements retentissent dans le public, et lorsque l'on reproche à Xavier Magnée un brin de populisme, il répond. "Je vous assure que je ne fais pas du populisme en cherchant une vérité totale, je n'ai pas besoin de populisme, j'étais assez populaire avant ça"
Le jury ne fera pas sécession, il ne suivra pas maître Magnée, qui, 20 ans plus tard, garde une pointe d'amertume. "C'est peut-être la seule affaire où j'ai le sentiment de n'avoir servi à rien".
À l'issue du procès, les contacts ont été rompus entre l'avocat et son encombrant client. Quant à savoir si ce dernier pourrait être libéré un jour, Xavier Magnée élude la question. "Plus personne ne l'envisage", dit-il.