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Ce vendredi, cela fera 20 ans. Il y a deux décennies, s'ouvrait le procès de Marc Dutroux et consorts devant la cour d'assises du Luxembourg, à Arlon. Cette affaire judiciaire a marqué notre pays. Des années plus tard, qu'en reste-t-il? Nous avons posé la question à notre spécialiste judiciaire Dominique Demoulin.
Il y a quelques jours, vous avez rencontré l'avocat de Marc Dutroux à l'époque, il s'appelle Xavier Magnée. Il est assez amer aujourd'hui.
Oui, amer, car selon lui, la vérité a été sacrifiée à ce procès et dit-il, lui l'avocat n'a servi à rien. L'homme de 88 ans n'a pas perdu la mémoire et il n'a pas changé d'avis. Pour lui, Marc Dutroux n'était pas un prédateur isolé. Aujourd'hui encore, Xavier Magnée évoque un réseau qui aurait inclus des personnalités connues et qui aurait été couvert par la gendarmerie.
Alors, aucun élément de preuve n'a conforté cette thèse, mais dit Xavier Magnée, c'est peut-être parce qu'on n'a pas voulu chercher. Souvenez-vous des cheveux saisis dans la voiture et dans la maison de Dutroux, des traces ADN relevées dans la cache et jamais attribuées. À l'époque, tout cela avait été renvoyé à un hypothétique dossier BIS qui a été refermé en 2010 au grand regret de l'avocat de Marc Dutroux, mais aussi du procureur Michel Bourlet.
Dans le box des accusés, il y a 20 ans, il y avait 4 personnes, Marc Dutroux, Michel Martin, Michel Lelièvre, Michel Nihoul. Alors, on va peut-être revenir sur chacun de ces accusés. Michel Nihoul n'est plus là pour rien dire, évidemment.
Effectivement, Michel Nihoul est décédé le 23 octobre 2019. Il avait 78 ans. Michel Martin, elle, a été libérée sous condition le 23 août 2012 après 16 ans d'enfermement. Elle est semble-t-il toujours à Namur. Elle a terminé les études de droit qu'elle avait entreprises, mais sans jamais trouver de travail. Elle émerge au CPAS et sera bientôt retraitée. Elle est âgée aujourd'hui de 64 ans. Quant à Michel Lelièvre, il a quitté la prison en 2019. À l'époque, sa libération avait suscité des critiques. L'homme avait même été agressé à Anderlecht. Depuis lors, il n'a plus fait parler de lui.
Alors, il nous reste un accusé qui, lui, est toujours en prison. On parle bien sûr de Marc Dutroux. Il sera sans doute emprisonné jusqu'à la fin de sa vie?
Sans doute. En théorie, il est libérable depuis 2013. En théorie seulement. En 2020, son avocat actuel, Bruno Dayez, avait suscité une nouvelle expertise psychiatrique de Marc Dutroux. Il pensait alors introduire une demande de libération conditionnelle.
Il y a renoncé, compte tenu du rapport des trois experts extrêmement négatifs. En substance, il conclut que Marc Dutroux représente toujours un danger pour la société et qu'il présente toujours le même profil du parfait psychopathe. Mais il n'est pas fou pour autant, estiment les psychiatres. Autrement dit, il doit rester en prison. Aujourd'hui, Marc Dutroux a 67 ans.
Un mot peut-être sur notre ressenti à nous, celui de la population. Finalement, ce dossier, est-ce qu'on a envie de le refermer? Est-ce qu'on a envie d'oublier cette histoire ?
Écoutez, c'étaient les derniers mots de Xavier Magnée dans sa plaidoirie. Il disait aux jurés, c'est vous qui allez décider si ce dossier Dutroux doit être refermé ou pas. Alors les jurés ont jugé, ils ont donné leur vérité judiciaire. En même temps, ce dossier, il ne sera jamais refermé. Tous les six mois, il y a un nouvel épisode. C'est l'avocat de Marc Dutroux qui demande une nouvelle expertise. C'est quelqu'un qui est sorti de prison. C'est Marc Dutroux qui... C'est un magistrat, parfois, qui revient sur les faits.
Donc, il n'est jamais refermé. Il y a toujours le traumatisme qu'il a provoqué dans la population. Les enfants qui sont nés à la fin des années 80, ce sont un peu les enfants de la génération Dutroux qui ont eu une enfance bridée, quelque part, où leur liberté a été brimée parce qu'il y avait une telle psychose dans la société.
Et puis, ce procès, il laisse tout de même un goût d'inachevé parce qu'il reste ces traces qui n'ont jamais été attribuées. Il reste beaucoup de questions.
