Partager:
La parution du budget 2024 de l'Inami a provoqué la fureur des sages-femmes qui ont totalement été oubliées. RTL info a rencontré Carine, sage-femme depuis 25 ans, qui témoigne de la sidération qui règne alors que leur métier est de plus en plus nécessaire.
Nous retrouvons Carine en pleine séance chez Diana. Cette maman a accouché de son troisième enfant, un petit Achille, il y a quelques semaines. La sage-femme connaît bien la famille chez qui elle était déjà venue pour la naissance du deuxième enfant. Avec les années, un lien s'est créé entre Carine et cette famille, un lien essentiel pour pouvoir bien exercer son métier.
"Le boulot de sage-femme, c’est une prise en charge globale depuis le désir de grossesse jusqu’à ce que l’enfant ait un an", décrit Carine. "La sage-femme est à même de s’occuper tant de l’enfant que de la maman. On a un boulot de prévention énorme".
Et le boulot est devenu d'autant plus important maintenant que la durée du séjour hospitalier après l'accouchement a été réduite. "Les sages-femmes sont de plus en plus présentes à domicile. On intervient directement en restant en contact avec les pédiatres et les gynécologues en cas de besoin".
"On est toujours là"
Pour Carine, "être sage-femme, c’est une passion". Un métier qu'elle fait avec tout son coeur et contre les galères. "On le voit de plus en plus, on est toujours là malgré la difficulté du métier et les restrictions budgétaires."
Car c'est bien de cela dont il s'agit. Si elles sont passionnées, les sages-femmes ont besoin, comme tout le monde, de gagner leur vie. "Une sage-femme qui décide de travailler comme indépendante à titre principal, ne peut pas vivre uniquement de son boulot parce que les nomenclature Inami ne correspondent pas à la réalité", dénonce Carine. Pour appuyer ses propos, la sage-femme prend un exemple bien concret : "Pour un soin après 6 jours de vie, on s’occupe de tout le monde : le bébé, la maman, le papa, etc. On répond aux questions et on prodigue des soins. Cela dure une heure et pour cela, la sage-femme va avoir 39,15 euros bruts. Il faut aussi compter les frais de déplacement donc ce n’est pas possible d’en vivre."
"43 milliards d’euros pour les soins de santé et pas un euro pour les sages-femmes, il y a un vrai manque de reconnaissance", lâche encore la sage-femme désabusée.
Maintenant, c'est stop
"On a perdu un code (un code Inami, une subvention, ndlr) pour une préparation à la naissance, une prime de conventionnement acceptée cette année disparaît l'année prochaine et il n'y a eu aucune revalorisation pour les sages-femmes indépendantes", précise Murielle Conradt, la présidente de l'Union professionnelle des sages-femmes belges (upsfb). "On demandait 7 millions, sur les 42,7 milliards du budget, ce n'est pas énorme non plus. Mais nada, rien."
Pourtant, ce n'est pas comme si la situation des sages-femmes était inconnue des autorités. "Une étude de l'Inami est sortie il y a quelques années et elle montrait que la sage-femme indépendante à temps plein avait environ 23.000 euros bruts par an... C'est juste impensable", rapporte avec Murielle Conradt. "Maintenant, c'est stop. Il faut qu'on revalorise la profession."
Si la revalorisation n'arrive pas, les conséquences pourraient être dramatiques pour la profession et pour les patients. "Si on n'obtient pas (gain de cause), on craint que les sages-femmes indépendantes ne disparaissent. On craint aussi un déconventionnement massif et donc que le remboursement soit nettement moins intéressant pour les parents que si la sage-femme est conventionnée."
"On demande au ministre de revoir le budget", plaide encore la présidente de l'Upsfb. "Apparemment, ça va être assez difficile, mais on veut ce qu'on demandait. Les 7 millions permettraient d'assumer le suivi de la mère et de l'enfant après le sixième jour."
Un espoir demeure pour les sages-femmes : en vue de remédier à cette situation, le ministre de la Santé Frank Vandenbroucke va recevoir demain (vendredi) des représentantes de la profession pour poursuivre le dialogue.