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Brésil: Le ministère de la Santé a "perdu toute crédibilité", dit un ex-ministre

L'ex-ministre brésilien de la Santé Luiz Henrique Mandetta, qui avait été limogé par le président Jair Bolsonaro, a estimé que son ancien ministère avait "perdu toute crédibilité", en pleine pandémie contre le coronavirus.

"Les médecins ne connaissent rien à la guerre, mais les généraux ne connaissent rien à la santé", a-t-il estimé, dans un entretien tard jeudi avec l'AFP, au sujet de la forte militarisation du ministère de la Santé.

Le très populaire ministre, un médecin de formation de 55 ans dont la compétence était reconnue, avait été démis en avril en raison de désaccords profonds avec le président d'extrême droite. Ce dernier a minimisé la crise et a toujours été hostile au confinement de la population.

Il avait été remplacé par un autre médecin, Nelson Teich, qui n'avait tenu que quatre semaines, avant de démissionner en mai et être remplacé par le général Eduardo Pazuello, comme ministre intérimaire.

Depuis, la pandémie est toujours hors de contrôle au Brésil, qui déplore près de 48.000 morts -- deuxième dans le classement mondial -- et pourrait franchir vendredi soir le cap du million de cas de contamination.

En moins de deux mois, le général Pazuello a nommé une vingtaine de militaires à des postes-clés au sein du ministère de la Santé.

Q: "La militarisation du ministère vous a-t-elle surpris?

R: Cela a été décevant, désagréable. L'Histoire dira (si c'était une bonne chose, ndlr), les chiffres le diront. A condition qu'ils soient clairs et non censurés.

Les médecins ne connaissent rien à la guerre, mais les généraux ne connaissent rien à la santé.

Q: Le ministère avait modifié les données officielles de malades et morts du Covid-19. Ces chiffres sont-ils fiables?

A chaque fois qu'on change la méthodologie cela entame la confiance de la population. La dernière chose qu'on aurait dû faire c'est faire perdre sa crédibilité au ministère de la Santé, parce qu'en temps de pandémie, c'est cette crédibilité qui fait autorité.

C'est désolant qu'ils aient perdu cette crédibilité fondée sur la base de chiffres, de transparence et de communication de plans à la société.

Q: Que pensez-vous de la recommandation de l'usage de l'hydroxychloroquine par le général Pazuello, à laquelle vous étiez opposé?

R: On voit ici une stratégie militaire (...). Quand le président capitaine (grade de Bolsonaro dans l'Armée, ndlr) propose à un ministre général de publier ce protocole (...) ce sont deux personnes qui ne connaissent pas le secteur de la santé, mais le secteur politique et la logique militaire.

Malheureusement le ministère de la Santé aujourd'hui n'exerce pas une fonction de gestion de la santé. C'est un ministère sous occupation des militaires, et de nombreux militaires.

Q: Le Brésil a-t-il passé le pire de la pandémie?

Cela dépend des villes. Le pire est passé dans les villes du Nord et du Nord-est. Sao Paulo (premier foyer du pays, ndlr) s'oriente vers une baisse dans les prochaines semaines. Nous allons voir quel est l'impact des mesures de déconfinement. C'est pareil à Rio de Janeiro.

Dans d'autres villes du Sud-est, il me semble (que la pandémie est) encore en progression. Dans le Sud cela n'a pas encore commencé, mais dans le Centre-ouest, si.

En considérant le Brésil dans son unité, l'épidémie (devrait être passée) à la fin août ou en septembre.

Q: La reprise de l'activité économique a-t-elle été précipité?

Les maires ont des élections dans quatre mois, ils ont pris des décisions sous la pression du calendrier électoral. Il y a une pression économique aussi (...) Certains Etats ont des systèmes de santé plus forts que d'autres. Nous allons voir ce qui se passe, mais j'ai beaucoup d'appréhension.

P: Avez-vous parlé avec Jair Bolsonaro depuis votre départ?

R: Non.

P: Et avec vos successeurs?

R: Non.

Q: Avez-vous parlé avec l'ex-ministre de la Justice Sergio Moro, qui a lui aussi récemment démissionné en raison de désaccords avec Jair Bolsonaro, d'une candidature à la présidentielle de 2022, dans un ticket de président et vice-président?

R: Je crois que nous devons participer activement aux élections, que ce soit comme candidats ou comme citoyens. Mais je n'écarte pas (une candidature]".

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