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Willy Demeyer, le bourgmestre de Liège, a évoqué ce mercredi matin sur Bel RTL sa vision pour lutter contre les problèmes liés à la drogue dans les villes. Il propose, entre autres, la mise en place de centres pluridisciplinaires en périphérie où les toxicomanes pourraient être pris en charge. Comment cela fonctionne? Ce projet peut-il être une solution? Analyse avec des professionnels du secteur.
"Établir un plan national" pour lutter contre la drogue dans les villes belges. Voilà ce que propose le bourgmestre de Liège. Pour mieux comprendre son projet de centres pluridisciplinaires à l'extérieur des cités, nous nous sommes adressés à son cabinet.
Voilà de quoi il s'agit: "Le bourgmestre veut s'inspirer des centres comme il y a en Espagne, au Portugal ou encore aux Pays-Bas pour que les personnes toxicomanes ne soient plus dans l'espace public. Elles seraient prises en charge d'un point de vue social et médical, elles dormiraient sur place."
La particularité de ce projet: l'admission ne se ferait pas uniquement sur base volontaire. En d'autres termes, on pourrait forcer les gens à se soigner.
"C'est plus efficace"
Ce que l'on appelle un centre intégré pluridisciplinaire pour les toxicomanes, c'est une structure qui offre une prise en charge globale. Concrètement, une personne peut bénéficier d'un hébergement, de soins médicaux, d'aide à la réinsertion, … Le tout centralisé au même endroit.
"Mettre en place des centres intégrés, c'est une bonne chose. La vie dans la rue et la fragilité de certaines de ces personnes engendrent beaucoup de difficultés au-delà de la consommation de stupéfiants. En général, quand il faut les déplacer d'un centre à un autre en fonction du besoin, on les perd en route. Les centres intégrés sont plus efficaces et nécessaires", avance Michaël Hogge, chargé de projets pour l'ASBL Eurotox (observatoire socio-épidémiologique alcool-drogues en Wallonie et à Bruxelles).
La coercition, bonne ou mauvaise idée?
Si le spécialiste est séduit par l'idée de mettre en place des centres intégrés, il l'est bien moins par l'aspect contraignant de la chose. "L'aide sous contrainte existe, mais est difficile à mettre en place. La personne adhère difficilement au processus de soin", dit-il.
En Belgique, en fonction de diverses conditions, il arrive que certains toxicomanes se voient imposés un traitement forcé. Notamment, "si la personne représente un danger pour elle ou pour autrui", précise Véronique Godding, médecin spécialiste en addictologie. Pour autant, à l'image de Michaël Hogge, elle se dit "sceptique" quant à l'efficacité de cette méthode.
Traiter les toxicomanes comme des pestiférés
"Il est très compliqué de soigner quelqu'un qui ne veut pas. Prenons l'exemple d'un jeune accro à une substance nocive qui abîme sa santé. Ses parents font appel à un juge de paix qui impose une hospitalisation. Si le travail qui est fait pendant cette hospitalisation forcée n'aboutit pas, le jeune sort et recommence immédiatement", ajoute Véronique Godding.
Une solution "stigmatisante"
Au-delà de l'inefficacité, Michaël Hogge souligne une approche "stigmatisante": "Cette solution revient à traiter les toxicomanes comme des pestiférés. Ce n'est pas très inclusif. On met à l'écart ce qu'on ne veut pas voir."
Il explique que si ces toxicomanes sont dans les villes, c'est qu'il y a des raisons: "Il y a des ressources qu'ils ne peuvent avoir qu'en ville. Si on déplace l'offre d'aide, il faut inciter les personnes à se déplacer."
Véronique Godding ne va pas aussi loin. Elle estime que la perspective d'installer ces centres en périphérie des villes n'est pas l'idéal: "La solution serait plutôt d'aller là où se trouvent les usagers." Et donc… en ville.
"Renforcer l'offre de soin"
En ville ou en périphérie, nos deux experts sont du même avis sur une chose: "Il faut renforcer l'offre de soin pour les personnes toxicomanes." Les centres intégrés sont, selon eux, une excellente solution, encore faut-il convaincre les personnes qui en ont besoin de s'y rendre.
"Il y a un gros travail à faire sur la motivation. Le manque peut être intense pendant un sevrage. Il y a un vrai effort d'éducation et d'accompagnement à fournir", avance encore Véronique Godding.
Un premier centre intégré d'ici 2026
Les centres intégrés plébiscités par les spécialistes que nous avons interrogés existent déjà dans d'autres pays. Et d'ici 2026, un premier devrait ouvrir ses portes en Belgique, à Bruxelles plus exactement. Ainsi, le projet financé par la Région bruxelloise offrira une gamme complète de services aux usagers de drogues, sans condition pour y accéder.