Accueil Actu Magazine Automobile

Imposer la voiture électrique en 2035, "la charrue avant les boeufs": qu'en pensent 5 grands partis ?

Notre pays se prépare-t-il assez rapidement à passer à la voiture électrique ? Y aura-t-il suffisamment de bornes dans les prochaines années pour charger ce type de véhicule ? La fin des voitures thermiques à l’horizon 2035 a-t-elle déjà du plomb dans l'aile? Ces questions sont posées par Christian, qui rencontre des difficultés pour installer une borne de recharge à son domicile. L’habitant de Saint-Josse-ten-Noode se dit particulièrement déçu après avoir reçu des explications de la part de Sibelga, le gestionnaire des réseaux de distribution d'électricité et de gaz naturel pour les 19 communes de la Région de Bruxelles-Capitale. Pour lire son histoire, c'est par ici:

Nous avons tenu à soumettre aux 5 grands partis francophones l'histoire de Christian, et son constat sans appel: "J'ai l'impression qu'on met la charrue avant les boeufs". Voici leurs réactions :

MR

"L’horizon de 2035 n’est pas du tout réaliste", nous explique Georges-Louis Bouchez, le président du MR. "Ce n’est pas souhaitable car notre réseau électrique n’est pas en mesure de faire face à un parc automobile qui serait 100% électrifié. Cela signifierait deux réacteurs nucléaires en plus. C’est la raison pour laquelle le mouvement réformateur se bat pour le maintien du nucléaire en Belgique. On estime de 35 à 50% l’augmentation de la consommation de l’électricité d’ici 2050. Cela veut dire que si vous voulez allez trop vite vers un parc 100% électrifié, vous n’y arriverez pas. Ce n’est pas nécessairement souhaitable, car il y a d’autres enjeux comme les infrastructures. Il faut avoir suffisamment de bornes de recharge. Mais il faut aussi que ces moteurs soient efficaces. Il y a d’autres technologies qui permettent de lutter contre le réchauffement climatique comme les e-carburant synthétiques, le recours à l’hydrogène pour les véhicules les plus lourds,… Vouloir un seul type de motorisation dans le futur, ce n’est pas réaliste, ni nécessairement souhaitable d’un point de vue technique et technologique. Il y aura plus de voitures électriques, mais la fin absolue du moteur thermique ne semble pas réaliste à cet horizon-là."

Pourquoi avoir annoncé cette échéance ? "Il faut demander aux parlementaires européens. Il y a un effet de signal. Avoir du 100% électrique n’est pas forcément une bonne chose pour la planète. (...) Notre volonté est qu’il y ait des bornes de recharge partout. Mais même si vous en mettez partout, la personne qui habite au 6e étage d’un appartement, sa rue étant déjà occupée par plein de voiture, il ne saura pas forcément y ajouter la sienne. Aujourd’hui, d’un point de vue purement rationnel, il faut accepter l’idée que pour certaines personnes, ces recharges ne seront pas possibles. Cela n’empêche pas que le volume de véhicules électriques va considérablement augmenter." 

PTB

"Je ne défend pas le vote européen", déclare pour sa part le député européen Marc Botenga. "Le projet actuel ne semble pas répondre aux trois défis fondamentaux que sont la mobilité, le côté social et l’environnement. La personne qui est face à des difficultés pour installer une borne électrique n’est pas face à la première difficulté qui est le coût d’achat d’un véhicule électrique. La deuxième difficulté est l’autonomie de cette voiture. Le Parlement européen a des véhicules électriques qui ne parviennent pas à faire Bruxelles-Strasbourg (quelque 440 km). Ils doivent s’arrêter au milieu, au Luxembourg, pour recharger. Les difficultés sont nombreuses. Dans la situation actuelle, le projet est compliqué à défendre vis-à-vis des citoyens et des travailleurs. Le chemin entrepris est un chemin qui va vers le tout à l’électrique car ça permet de soutenir certaines entreprises. Cela permet de ne pas changer le modèle de mobilité. Cette politique est antisociale et ne va pas résoudre le problème climatique. Elle dévie d’autres priorités." 

Marc Botenga poursuit: "La fin du moteur thermique en 2035 que la majorité du Parlement européen a voté, est en discussion car il y a une série de pays qui s’y opposent, notamment l’Allemagne qui n’est pas convaincue. Est-ce que c’est faisable ? Je constate que personne ne croit qu’on a les matières premières nécessaires pour les batteries. La Commission européenne l’avoue. Le deuxième aspect concerne les bornes de recharge. Le tout à la voiture électrique ne va pas apporter une réponse nécessaire aux défis. On doit aller vers un modèle de mobilité différent et garantir des transports en commun ponctuels pour que la voiture individuelle ne reste plus la norme. Pour la production d’électricité, il faut un investissement massif dans le renouvelable. Il faut avoir de la production d’électricité verte. Dans le contexte actuel, on ne voit pas cette envie-là." 

ECOLO

Ecolo souligne de son côté que la voiture doit être "réservée aux cas où il n’y a pas d’alternative : en optant pour des véhicules les moins polluants et en accompagnant ces changements de mobilité." 

Quant à la faisabilité d'atteindre les objectifs à l'horizon 2035, la porte-parole d'Ecolo énumère les mesures déjà prises. "À Bruxelles, des primes ont permis d’inciter les usagers (ménages ou entreprises) à opter pour des camionnettes électriques ou des vélos cargos. Sous l’impulsion du ministre Alain Maron, 2000 bornes de recharge ont été installées pour les voitures électriques. À terme, il y aura une borne à maximum 150 mètres de chaque habitation. Sans oublier les 250 stations Cambio réparties sur la région bruxelloise. En Wallonie, on vise 6000 points de recharge électrique d’ici 2026 et Philippe Henry a soutenu les communes pour installer des parkings de covoiturage ou pour réaliser des "mobipôles" où se regroupe une offre attractive pour choisir son moyen de transport le plus adéquat : une gare de bus, de trains, des stationnements avec bornes de recharges électriques, pour voiture et pour vélo, des relais pour le covoiturage, des espaces pour les voitures partagées, voire une offre locale de taxi. Enfin, le gouvernement fédéral, via un budget mobilité, propose d’échanger l’avantage "voiture-salaire" proposé par l’employeur contre le financement d’une partie du loyer pour le logement de l’employé, l’achat d’un vélo, la location d’un garage vélo ou même bénéficier d’une prime piéton. Ici, encore, le but est de soutenir un changement de mobilité ou d’encourager à vivre près de son lieu de travail."

PS

"Pour la question de la sortie des moteurs thermiques, nous défendons le maintien du calendrier à condition de mettre en place les outils nécessaires permettant l’accès équitable à tous les ménages aux voitures électriques et aux transports alternatifs", indique Frédéric Masquelin, le porte-parole du PS. "Se pose aussi la question des bornes de recharge qui sont distribuées d’une manière inégale. Il faut réfléchir la mobilité d’une manière intégrée avec l’aménagement du territoire et d’une manière concertée avec les acteurs du secteur énergétique (réseau de distribution)."

Frédéric Masquelin dresse également un état des lieux: "Premièrement, au niveau fédéral, une analyse sera effectuée pour vérifier si la sortie des véhicules thermiques est socialement soutenable et définir les mesures d’accompagnement nécessaires pour garantir cette soutenabilité sociale. En région bruxelloise, le Gouvernement a validé l’objectif d’atteindre 22.000 points de recharge accessibles au public à l’horizon 2035 (=11.000 bornes), en plus des points de recharge privés installés par les particuliers et les entreprises ; sachant qu’on est à +/-2000 bornes aujourd’hui. Les besoins en bornes publiques sont importants: on estime que 69 % des ménages (175.749) possédant une ou plusieurs voitures ne disposent pas d’un garage individuel, et pourraient donc avoir besoin d'une infrastructure de recharge accessible au public (en voirie ou hors voirie). En région wallonne, on compte en 2022, 11.000 (0,6%) Battery Electric Vehicule (BEV) et 19.000 (1%) Plug in Hybrid Electric Vehicule (PHEV). On estime le nombre de bornes électriques à 3.300 dont 50 rapides sur le réseau structurant. On aurait aujourd’hui 6 fois trop de bornes par rapport au nombre de voitures. Dans un futur proche, l’ULB estime qu’on irait vers les 10% de voitures électriques en 2030 et le PACE (Plan Air Climat Energie) vise un objectif de 25% de ce type de véhicule. On vise 500.000 voitures électriques en 2030 soit 23,000 bornes. Si, en général, le réseau actuel peut faire face à la demande actuelle, il reste la question de son évolution à terme, et du financement de celui-ci."

LES ENGAGÉS

"Sous la pression de ces multiples propositions de décrets déposées et présentées par Les Engagés Wallonie, un premier plan de déploiement des bornes de rechargement a été lancé en juillet 2021", souligne Audrey Jacquiez, la porte-parole du parti. "Longtemps annoncé à 12.000 points de recharge, le Ministre Philippe Henry (ministre régional du Climat, Ecolo) a finalement revu sa copie en la diminuant à 6.000 points de recharge."

"En parallèle, le Gouvernement a adopté dans son Plan de relance une mesure portant sur l’aide au déploiement de bornes à destination des acteurs privés d’une part et une mesure de déploiement de superchargeurs sur autoroute d’autre part. Plus d’un an et demi après, la politique de déploiement de bornes en est pourtant toujours au point mort. Concernant les bornes sur le domaine public, l’objectif a finalement été revu à 5.400 points de recharge. Par ailleurs, la Wallonie devrait faire déployer environ 11.000 points de recharge en 2026, soit plus du double du dernier objectif fixé par Philippe Henry. Quant à l’aide au déploiement de bornes privées, le Ministre Philippe Henry n’a encore simplement pris aucune décision", conclut Audrey Jacquiez.

À lire aussi

Sélectionné pour vous