Accueil Actu Magazine Culture

L'Alliance Française ou "l'amour du français" en partage à travers le monde, selon Erik Orsenna

"Che Guevara a appris le français à l'Alliance Française comme il y a appris la Révolution française...", sourit l'écrivain Erik Orsenna qui se dit "fasciné par cet amour partagé du français" à travers le monde, dans un entretien à l'AFP lors des 140 ans des Alliances Françaises.

"J'ai un lien très fort avec l'Alliance Française, parce que dans mes voyages depuis 30 ans j'ai toujours tenu à rencontrer les profs de français des Alliances partout dans le monde; je suis fasciné par cet amour partagé du français", explique l'écrivain, membre de l'Académie française, et ancien administrateur de la Fondation des Alliances Françaises (AF).

"Le français est mon amour; et pourquoi des professeurs et écrivains d'ailleurs partagent ce même amour ? Pour des raisons semblables aux miennes ou pas ? Leurs amours agrandissent le mien parce qu'ils le diversifient, de la même manière que souvent voir sa femme être aimée par d'autres accroît l'amour qu'on a pour elle", lance Erik Orsenna.

De jeudi à samedi, l'Alliance Française (AF), qui se présente comme "la plus grande ONG culturelle au monde", organise son congrès mondial à Paris, réunissant plus de 600 responsables d'établissements dans le monde, pour célébrer ses 140 ans.

Les AF sont des établissements associatifs d'enseignement du français de droit privé et local. Présentes dans 133 pays à travers 829 établissements, elles ont pour mission d'enseigner le français, d'avoir "une programmation culturelle qui présente la culture française, francophone et les cultures dans lesquelles les Alliances sont implantées" et de promouvoir des "valeurs humanistes".

Une dizaine de nouvelles Alliances ont ouvert depuis 2021, notamment en Ouzbékistan, en Arabie Saoudite ou à Odessa, en Ukraine. L'Alliance de Montréal a récemment rouvert.

A travers l'histoire, plusieurs personnalités ont fréquenté les AF, comme l'écrivain français d'origine argentine Hector Biancotti, le peintre chinois naturalisé français Zao Wou-Ki, la top model allemande Claudia Schiffer, ou le révolutionnaire argentin Ernesto "Che" Guevara, marqué dans sa jeunesse par sa découverte du français et de l'histoire française dans une AF en Argentine.

- "Fenêtre sur le monde" -

Peu après la prise de pouvoir de Fidel Castro à Cuba en 1959, les ambassadeurs occidentaux sont convoqués, relate à l'AFP Bernard Cerquiglini, vice-président de la Fondation des AF. Lors de cette réunion, "Che Guevara a déclaré à l'ambassadeur de France de l'époque qu'il n'était pas question de fermer l'Alliance, qu'il avait appris le français à l'Alliance pour y lire Robespierre, Danton, Saint-Just !", raconte-t-il.

Aux côtés du "Che" lors de cette réunion, "Fidel Castro a renchéri en disant qu'au maquis il lisait le livre +La Révolution française+ d'Albert Soboul". "Et ils n'ont jamais fermé l'Alliance, contrairement aux autres organisations internationales... c'est extraordinaire non ?", s'enthousiasme M. Cerquiglini.

"Il faut défendre le français car la fin d'une langue quelle qu'elle soit est une fenêtre immense sur le monde qui s'éteint", souligne M. Orsenna. "La linguidiversité, c'est la mère de toutes les diversités !"

L'académicien confie être "content et ému que des AF continuent à ouvrir" à travers le monde.

L'écrivain prépare pour 2024 un livre de photos et de textes inspiré des AF avec le photographe franco-brésilien Sebastiao Salgado, qui a un lien personnel fort avec l'AF.

Employé dans sa jeunesse dans l'Alliance de Vitoria au Brésil - alors que son pays subit une dictature -, c'est là qu'il découvre le français et la France.

"L'Alliance Française, pour moi, c'est le plus grand agent de la culture française; la France c'est le pays de l'humanisme, de l'intéressement aux cultures des autres; et donc l'AF m'a transmis beaucoup... et j'espère que d'autres jeunes pourront recevoir la même chose que j'ai reçue", témoigne le photographe dans le documentaire "Alliance(s) française(s)" récemment diffusé sur TV5 Monde.

"A l'Académie, je suis de ceux qui disent que nous n'avons pas la propriété de la langue française, nous l'avons en partage", souligne M. Orsenna. Jeudi, un passionnant débat lors du congrès a permis à des écrivains d'origine étrangère écrivant en français d'expliquer leurs liens avec cette langue.

"Le français est la langue qui m'a donné une deuxième vie", a confié l'écrivaine canadienne d'origine vietnamienne Kim Thúy, à propos de sa fuite enfant avec sa famille comme "boat people" puis de son exil au Québec.

"Les langues occidentales ont parfois usé tellement leurs muscles qu'il faut que des langues d'ailleurs leur apportent des protéines...", a de son côté joliment conclu l'écrivain congolais Alain Mabanckou, en évoquant les "congolismes" du français de la rue parlé au Congo-Brazzaville.

À lire aussi

Sélectionné pour vous