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La BCE déterminée à poursuivre le tour de vis, en modérant la cadence

La Banque centrale européenne (BCE) a ralenti jeudi le rythme de son resserrement monétaire, mais affiché sa détermination à poursuivre ses hausses de taux conséquentes pour combattre une inflation désespérément élevée.

"Nous avons encore du chemin à faire", "nous devons aller plus loin", "nous sommes dans un long match": Christine Lagarde a multiplié les formules pour faire passer le message de fermeté de la BCE qui a tenu sa dernière réunion d'une année mouvementée.

Comme la Réserve fédérale américaine (Fed) mercredi et la Banque d'Angleterre (BoE) jeudi, la BCE a décidé de ralentir la cadence et opté pour un relèvement d'un demi-point de ses taux directeurs.

Cette hausse porte les taux rémunérant les liquidités bancaires non distribuées en crédit à 2% et celui sur les opérations de refinancement à court terme à 2,50%, au plus haut depuis fin 2008.

Après de longues années d'argent peu cher, l'institution mène depuis l'été une politique choc de taux d'intérêt destinée à refroidir l'activité économique, dans l'espoir de dompter l'envolée des prix.

Le rythme de relèvement des taux est le plus rapide depuis la création de la BCE en 1999, avec deux hausses "jumbo" de 0,75 point en septembre et octobre.

- Dégonfler le bilan -

Et la BCE n'entend pas s'arrêter là: des hausses de taux "significatives" sont encore à venir car "l'inflation reste beaucoup trop élevée et devrait rester au-dessus de l'objectif pendant trop longtemps", a déclaré le conseil des gouverneurs à l'issue de sa réunion.

Autre signe que la BCE reste combattive: elle a donné le coup d'envoi de la réduction de son bilan gonflé par des années d'achats massifs de dettes pour soutenir l'économie pendant les périodes de crise.

À partir de mars prochain, l'institution va réduire son stock d'obligations actuellement de 3.300 milliards d'euros "en ne réinvestissant pas la totalité des remboursements au titre du principal des titres arrivant à échéance".

Cette réduction se fera au rythme de 15 milliards d'euros par mois en moyenne jusqu'à fin juin, avant d'être ajustée à nouveau.

Il s'agit "d'une décision au ton plutôt belliqueux", a commenté Jens-Oliver Niklasch, de la banque LBBW.

"Le relèvement des taux d'intérêt était attendu. En revanche, le fait qu'il puisse se poursuivre probablement au même rythme en surprendra plus d'un", a-t-il ajouté.

- La "croisade" continue -

Christine Lagarde l'a martelé pendant sa conférence de presse: "il faut s'attendre à ce que nous augmentions les taux d'intérêt à un rythme de 0,50 point de base pendant un certain temps".

"La croisade de la BCE pour lutter non seulement contre l'inflation mais aussi contre toute détérioration de sa réputation et de sa crédibilité se poursuit", a commenté Carsten Brzeski, analyste à la banque ING.

La courbe d'inflation s'est certes un peu aplatie en novembre, à 10% sur un an, contre 10,6% le mois précédent, grâce à une accalmie des coûts de l'énergie.

Mais la hausse des prix devrait rester durablement très au-dessus de l'objectif de 2% affiché par la banque centrale, selon les prévisions actualisées publiées jeudi.

L'inflation devrait s'élever à 6,3% l'an prochain, contre 5,5% prévu auparavant, avant de baisser à 3,4% en 2024 et 2,3% en 2025.

Elément inquiétant pour les gardiens de l'euro: leurs prévisions anticipent "une croissance des salaires à des taux bien supérieurs aux moyennes historiques" alors que se multiplient les revendications salariales pour compenser la perte de pouvoir d'achat liée à l'envolée des prix.

Le PIB (Produit intérieur brut) de la zone euro devrait se contracter fin 2022 et au début de l'année prochaine en raison de la crise de l'énergie et du resserrement des conditions de financement, mais cette récession serait "courte et peu marquée", selon la BCE.

Sur l'ensemble de l'année 2023, la banque centrale prévoit une croissance du PIB de 0,5% en zone euro, contre 0,9% prévu en septembre, puis de 1,9% en 2024.

La BCE, taxée de laxisme il y a encore un an face aux hausses des prix, a définitivement fait son choix, estiment les analystes de Berenberg: elle est prête "à accepter une certaine souffrance économique à court terme pour ramener l'inflation vers son objectif".

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